Affichage des articles dont le libellé est typhaine-garnier. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est typhaine-garnier. Afficher tous les articles

lundi 13 juin 2022

Retour à St Broc les choux...

Du 17 mai au 17 septembre, Bibliothèque André Malraux de St Brieuc (22), Exposition : Ramages & Plumages. Christian Prigent et le livre d’artiste (1975-2016)

En partenariat avec le Musée d’art et d’histoire. Christian Prigent vit et travaille à Saint-Brieuc, où il est né en 1945. Entamée à la fin des années 1960, son œuvre – l’une des plus singulières et importantes de la littérature française contemporaine – s’est déployée en plus de soixante ouvrages, dans une multitude de genres : poèmes et romans, mais également essais et chroniques, traductions, créations théâtrales et audiovisuelles, performances.

Conçue avec l’auteur, l’exposition propose une exploration de l’oeuvre poétique de Christian Prigent et de ses collaborations avec les artistes.

Exposition accessible aux horaires d’ouverture de la Bibliothèque André-Malraux

Bibliothèque André-Malraux, 44 rue du 71e R.I., Saint-Brieuc – 02 96 62 55 19 Fermeture estivale :  du 30 juillet au 15 août – https://mediathequesdelabaie.fr






AUTOUR DE L’EXPOSITION : 

Visites commentées à 15h, par les bibliothécaires

Mercredi 15, samedi 18, mercredi 22, mercredi 29 juin ; samedi 2, mercredi 13, samedi 16 juillet; mercredi 17, mercredi 24 août ; samedi 10, samedi 17 septembre (avec Christian Prigent).


► Comme si vous étiez à la Bibliothèque de Saint-Brieuc le 20 mai dernier : assistez à une lecture de Christian PRIGENT et de Vanda BENES drôle et satirique.


► Prochain événement :



► Autres événements estivaux :



Accès libre et gratuit, dans la limite des places disponibles.  

Inscription recommandée.

Le Groupe d’Education Nouvelle des Côtes d’Amor  invite Christian Prigent à trois conversations  autour de ses trois derniers livres

Informations : 3motsdeplus@gmail.com – 06 77 68 56 82











mardi 12 février 2019

Le nouveau TXT est arrivé !


Samedi 23 février 2019, de 15h à 17h au Reid Hall (4, rue de Chevreuse 75006 Paris) : soirée TXT, avec Jacques Demarcq, Bruno Fern, Typhaine Garnier Christian Prigent et Yoann Thommerel.
Et les voix de : Eric Clémens, Alain Frontier, Valère Novarina, Charles Pennequin et Jean-Pierre Verheggen.





Un quart de siècle après le dernier numéro et un demi après sa création post-soixante-huitarde, voici le « ressusciTXT » – selon le bon mot de Christian Prigent dans sa dédicace personnalisée –, revoici les TXThéoristes de la « communauté dormante » (p. 1)... Tous les principaux acteurs d’une aventure collective (1969-1993)[1]qui avait à ce point marqué la fin du siècle qu’elle avait donné naissance à un véritable label : Philippe Boutibonnes, Éric Clémens, Jacques Demarcq, Alain Frontier, Pierre Le Pillouër, Valère Novarina, Christian Prigent et Jean-Pierre Verheggen ; les artistes de Supports/ surfaces ne manquent pas à l’appel non plus, avec Pierre Buraglio qui donne de nouveaux contours au sigle « TXT » trente-cinq ans après, et les créations toniques de Daniel Dezeuze (Grotesque), Claude Viallat (Conan) et de Jean-Louis Vila (La Méduse et le Paon). Tous, excepté ceux qui se sont tournés vers d’autres horizons, comme Claude Minière (1938) ou Christian Arthaud (1956), et les disparus prématurément : Jean-Christophe Leuwers (1971-2001) ; Yves Froment (1939-2003) – dont Philippe Boutibonnes salue la mémoire à l’orée de ses « Moches z’heures ». Ainsi, en détournant un peu la dernière phrase du chef de file dans son introduction à l’anthologie de TXT : « TXT n’est pas mort, tout recommence autrement, le nouveau est invincible »[2].

Ces revenants vont-ils nous proposer ce qui au fond ne constituerait dans l’espace poétique actuel que d’ « autres piétinements » (cf. p. 45) / d’autres piètres niements ? Tout d’abord, un petit rappel : TXT, c’est un refus de la lissetérature – pour reprendre un néologisme de Dominique Meens, auteur P.O.L qui, adepte des écritures exigeantes, se joint logiquement au groupe –, une ascèse même et surtout carnavalesque visant à « vider la poésie de la poésie qui bave de l’ego, naturalise et mysticise, rêve d’amour et d’union, dénie obscurités, obscénités, chaos et cruautés, décore le monde et marche à son pas » (p. 1). La suite confirme que ce préambule, même s’il a été écrit à quatre mains, porte bel et bien le sceau de Christian Prigent, pour qui le temps est (re)venu de s’adresser à cet « énergumène symbolisateur » que constitue fondamentalement tout être humain. Car, plus que jamais nous sommes des séparés, maintenus à distance d’une expérience authentique du monde par le puissant écran d’une hypercommunication immondialisée. Et l’horrible trouvailleur (formule de Le Pillouër) de rappeler, en des termes à la fois pongiens et batailliens, la nécessité d’un réelisme poétique : « Notre monde, le monde informe des réseaux de communication, le monde lié, ne communique rien. Rien = clichés, humeurs, confidences, fake news. Dans le travail poétique, au contraire, l’expérience cherche ses formes propres, ses rythmes sensibles. On veut trouver des équivalents verbaux justes à ce qui, des vies, est mal nommé, mal pensé, non encore nommé. Et on regarde en face le mal (malaises, obscurités, folies, exploitations, coercitions, violences) » (p. 3). Aussi, relancer TXT avec les recrues du pôle caennais (Bruno Fern, Typhaine Garnier et Yoann Thommerel), mais aussi le peintre Mathias Pérez, ancien directeur des regrettées Fusées qui a donné au numéro une intrigante femme trouée, c’est assurer la survie de la revue moderne (un 33numéro est déjà en vue !), à laquelle, dès le début de l’aventure Fusées, l’ancien directeur de TXT assignait cette mission : « Le moderne est le spectre (hantise, dissolution, analyse, négatif) du présent comme fuite des significations hors du corps légendé (historisé ou futurisé) des pensées, des images et des langues. Dire le moderne c’est dresser la hantise de ce spectre au creux du dessin de ce qu’il hante : la vie programmée, formatée, comptée, boursicotée, publicitée, plébiscitée, médiatisée, idolâtrée.[3]» /Fabrice Thumerel/


*****
En mai 2019 paraîtra TXT n° 33, entremêlant une littérature qui cherche à produire un bruit neuf, des œuvres de plasticiens et des rubriques almanachiques : solutionnages miraculeux, célébrages farcesques, craductages trilingues, délectages littéraires et force décervelages pour chaque mois !
La Mél et la librairie Tschann s’associent au groupe TXT pour fêter ce retour à l’occasion d’une rencontre au Reid Hall. Entrée libre, dans la limite des places disponibles.
Directrice de la Mel : Sylvie Gouttebaron

Contact Presse : Lisette Bouvier
     l.bouvier@maison-des-ecrivains.asso.fr




[1]Grâce à José Lesueur, la série complète est disponible en ligne, hors-séries inclus : http://revue-txt.blogspot.fr. On pourra également se référer à Fabrice Thumerel, Le Champ littéraire français au XXesiècle, Armand Colin, 2002 ; « Revue et révolution littéraire : TXT(1969-1993) », p. 103-112.
[2]Christian Prigent, « Légendes de TXT », TXT 1969 / 1993. Une anthologie, Christian Bourgois éditeur, 1995, p. 10.
[3]Id., « Une revue de la vie moderne », Fusées, Carte Blanche, Auvers-sur-Oise, n° 4, 2000, p. 3. Cf. Fabrice Thumerel, « Fusées, une revue moderne », La Revue des revues, n° 34, 2003, p. 99-106.

jeudi 2 avril 2015

[Chronique] Voir la vie en rosse avec un moteur à craductions, par Fabrice Thumerel

"Grattez la langue, et vous verrez apparaître
l'espace et sa peau" (Khlebnikov, cité dans La Langue et ses monstres, P.O.L, 2014, p. 81).


Pour l'auteur d'Une erreur de la nature (1996), faire corps dans la langue présuppose de trouer le corpus, celui du déjà-dit, de cet intertexte infini dans lequel se meuvent les parlants, et cette langue faite corps a plus à voir avec Penthée qu'avec un quelconque panthéon - démembrée, donc. "200 conseils pour un carnaval" nous donne à voir/écouter les agents catalyseurs de ce démembrement (homophonies, à-peu-près, contrepèteries, etc.).
Côté craduction (néologisme de Pierre Le Pillouër : traduction crade parce que impropre, qui fait prévaloir les signifiants sur les signifiés), et non plus scription, n’en déplaise au Cercle des Universitaires Latinistes (C.U.L.), il s’agit rien moins que de subvertir les trop sages citations des pages roses du Larousse en faisant déraper la langue ; et dès qu'on fait tomber la ceinture de la langue, s'ouvrent "les doubles fonds du matériau verbal latin" (p. 60), de jouissifs abîmes – dans le même temps que les arcanes de la fiction…
Quelques exemples, extraits de quelques-unes des quatorze rubriques ("La Vie de famille", "La Vie amoureuse", La Vie religieuse", etc.) : "Vis comica / Pécher, c'est marrant" ; "Si vales valeo / Si tu avales, moi aussi" ; "Persona non grata / Plus personne à gratter" ; "Coram populo / Coran pour les nuls" ; "Motus proprio / Ne dites rien au propriétaire" ; "Deo gratias / Le déodorant est offert" ; "Modus operandi / On opère à prix modique" ; "Volens nolens / Au volant sois pas lent" ; "Cepi maxima imperia / L’empereur porte très bien le képi"… Les courts-circuits sont accentués par les séries : "Habemus papam : Papa boit sa mousse / L'abbé est ému : le voilà papa !"... "Tu quoque mi fili ! : Tout coquet, le fiston ! / T'es cocu, filou !"... "Si vis pacem, para bellum" : Si tu veux te pacser, fais-toi beau / Six vieilles peaux pour un bel homme / Six vis, pas de rabot : et boum !"...


À ceux qui trouvent futile et gratuit ce carnaval verbal, l'infernal trio rappelle que, pour les Modernes (de Rabelais à Verheggen, en passant par Molière, Hugo, Jarry, Brisset, Khlebnikov, Biély, Desnos, ou encore le Leiris de Glossaire, j'y serre mes gloses), rien de plus important que cette réinvention : du français classique au Français Médiatique Primaire (FMP / Prigent), l'épuration n'a que trop triomphé.
Ainsi, avec le moteur à craductions activé par Bruno Fern, Typhaine Garnier et Christian Prigent, laissez-vous aller à voir la vie en rosse...


Bruno Fern, Typhaine Garnier et Christian Prigent, PAGES ROSSES : craductions, Les Impressions Nouvelles, avril 2015, 96 pages, 9 €, ISBN : 978-2-87449-246-4. [Écouter la lecture de François Bon]


Lundi 13 Avril 2015 à 19H, Maison de la Poésie Paris : PAGES ROSSES : craductions.
Rencontre avec Bruno Fern, Typhaine Garnier & Christian Prigent. Avec la participation de Jean-Pierre Verheggen & de la comédienne Vanda Benes.

mercredi 9 juillet 2014

[Recherche - actualité] Présentation du fonds Christian Prigent à l'IMEC, par Typhaine Garnier


Abbaye d'Ardenne (Calvados)



 Christian Prigent a confié ses archives à l'Institut mémoires de l’édition contemporaine en 2012. De nouveaux dossiers sont arrivés depuis : « La Vie moderne », « Les Enfances Chino », « Épigrammes » de Martial et « SILO » (essais et entretiens mis en ligne sur le site de POL). En complément des archives personnelles, l’IMEC constitue une bibliothèque d’étude regroupant les livres de Christian Prigent et les travaux universitaires portant sur son œuvre. Ressource extrêmement riche pour l’étude de l’œuvre prigentienne, le fonds offre aussi un matériau historique considérable sur l’activité des réseaux poétiques et artistiques « avant-gardistes » ou « expérimentaux » auxquels Christian Prigent participe depuis les années 1970.


L’archivage en bref : des cartons à l’inventaire

Après la phase de découverte (ouverture des cartons), il s’agit d’établir un « plan de classement » du fonds. À l’IMEC, les archivistes s’efforcent de respecter autant que possible les choix de classement opérés par les auteurs. Ce principe fut ici relativement facile à appliquer, car Christian Prigent a donné des archives ordonnées. Vient ensuite l’étape du reconditionnement : élimination des matériaux fortement dégradables (agrafes, trombones) et remplacement des chemises d’origine par des contenants en matériaux neutres. À chaque sous dossier sont attribués une cote et un code-barres qui permettront la communication des documents aux chercheurs. Ensuite commence le travail de description des archives. On ne décrit bien sûr pas chaque feuillet, mais des ensembles cohérents de documents. Au bout du compte, on obtient un inventaire complet qui doit permettre de se faire une idée assez précise du contenu du fonds.


Analyse du fonds 

Typhaine Garnier
Christian Prigent n’a donné à l’IMEC que les archives de l’écrivain. On trouve donc très peu d’archives familiales (seulement quelques documents « recyclés » dans les livres et les archives rassemblées pour le volume d’entretiens Christian Prigent, quatre temps, paru chez Argol en 2009). On ne trouve pas non plus les archives de l’activité d’enseignement de Christian Prigent. Les plus anciens textes de Christian Prigent présents dans le fonds sont des poèmes de 1963 (année de son entrée en classe d’hypokhâgne à Rennes). Les documents les plus récents datent de quelques mois.

Pour les œuvres littéraires, Christian Prigent a constitué des dossiers particuliers réunissant souvent une grande diversité de documents : notes et brouillons, croquis, documents exploités, correspondance et dossier de presse.
Les travaux sur Francis Ponge forment un dossier important comprenant les brouillons de la thèse La poétique de Francis Ponge (1969-1976), des articles postérieurs et la correspondance échangée avec Francis Ponge sur une vingtaine d’années. L’ensemble concernant l’activité théorique et critique de Christian Prigent réunit en outre un grand nombre d’articles parus depuis le début des années 1970 dans divers journaux et revues.
Les archives « sur la peinture » (désignation inscrite par Christian Prigent sur plusieurs volumineux dossiers) témoignent de l’importance de celle-ci dans l’œuvre de l’écrivain. Elles rassemblent la plupart de ses textes en rapport avec les arts plastiques, mais également des dossiers consacrés à des artistes dont les oeuvres l’ont intéressé, ainsi que des documents sur les expositions dans lesquelles il s’est impliqué.
Un ensemble de carnets et cahiers complète les archives de cette intense production littéraire et théorique.
Christian Prigent, Vanda Benes et Typhaine Garnier
Les interventions publiques de Christian Prigent sont elles aussi richement documentées par les notes préparatoires et les textes de nombreuses conférences, les contrats, les programmes des manifestations, les listes des textes lus, les agendas personnels, ainsi que par de nombreux enregistrements audio et vidéo (les premières lectures enregistrées datent de 1973).
Si le fonds comporte peu de documents sur TXT (les archives de la revue ayant été déposées en 2002 à la Bibliothèque Jacques Doucet), on y trouve en revanche un ensemble important concernant la collection « Muro Torto » fondée à Rome en 1979.
La correspondance comprend des lettres de plus de cent cinquante scripteurs, parmi lesquels figurent des personnalités éminentes, des éditeurs et de nombreux amis écrivains, philosophes et artistes.
Également très fourni, le dossier critique comprend des travaux universitaires portant sur l’œuvre de Christian Prigent ou sur TXT, des documents de préparation des dossiers consacrés à Christian Prigent dans des revues1, ainsi que de nombreux articles de presse.
Répartie dans les différents ensembles, une riche documentation iconographique complète le fonds (photographies d’écrivains et artistes proches, originaux des documents utilisés ou reproduits dans les livres).

Usages des archives

« Je ne me suis bien évidemment pas placé d’emblée dans la perspective d’une conservation de ces paperasses (à des fins « historiques ») », lit-on dans L’Archive e(s(t l’œuvre e(s)t l’archive (IMEC, 2012, p. 13). Les archives données à l’IMEC ne représentent qu’une partie de ce qui a été amassé et écrit par Christian Prigent. 2 Plutôt que le détail de cette genèse, les archives donnent à voir la fabrique prigentienne, le modus operandi habituel par montage et recyclage de documents.3 Déménagements successifs et dégât des eaux ont réduit le volume. Pour les livres écrits depuis l’adoption de l’ordinateur, la plupart des états successifs des textes sont passés à la corbeille informatique. Il en va de même pour les documents utilisés : leur intérêt disparaît généralement une fois qu’ils ont été avalés par l’œuvre. Comme le souligne Christian Prigent, l’importance des lacunes empêche une exploitation strictement génétique des archives qui se proposerait de reconstituer pas à pas la création de tel ou tel livre.

Mais par la diversité des documents donnés à l’IMEC, le fonds n’est pas seulement la mémoire de cette fabrique. Les dossiers de presse constitués très tôt par Christian Prigent et les enregistrements des émissions auxquelles il a participé permettent par exemple d’étudier la réception de ses livres sur plus de quarante ans. À travers les documents relatifs aux diverses interventions  de Christian Prigent, il est possible de suivre la présence publique de l’écrivain depuis la fin des années 1970. On pourra étudier aussi la pratique de la voix grâce aux nombreux enregistrements de travail que l'auteur a lui-même réalisés.

3 juillet 2014 : Yoann Thommerel fait visiter la bibliothèque de l'IMEC à ses invités du colloque de Cerisy, "Christian Prigent : trou(v)er sa langue" (dir. : B. Gorrillot, S. Santi et F. Thumerel)
 

Un échantillon : les archives de Grand-mère Quéquette

        Une exposition d’archives échappe difficilement à la tentation d’esthétisation des « beaux » manuscrits. Entre deux feuillets d’intérêt équivalent, on retient plutôt celui qui a de belles ratures en couleurs. Le choix de montrer les archives d’un seul livre visait à contrer cette tentation.

Depuis sa publication en 2003, Grand-mère Quéquette s’est bien installé dans le paysage littéraire. Situé au milieu du cycle narratif ouvert par Commencement (1989), ce livre a eu et continue d’avoir des échos divers : remarqué dans la presse lors de sa parution en 2003, il a fait l’objet de plusieurs adaptations théâtrales et suscite depuis quelques années l’intérêt des chercheurs. Conséquence de ce rayonnement, les archives de Grand-mère Quéquette sont particulièrement riches : elles rassemblent non seulement des documents montrant diverses étapes de l’écriture, mais aussi des archives « brutes » (images et textes exploités) et de nombreux documents relevant de la réception du livre (lettres, articles de presse, etc.). Elles offrent ainsi un aperçu de la vie du roman, depuis les premières notes pour ce qui s’appelait alors « projet "Cartravers" » jusqu’aux adaptations théâtrales.



Observations
Sur les feuillets de « notes de travail », on voit qu’il y a au départ des textes issus de projets antérieurs (par exemple des « chutes de Commencement »), des documents (le dossier sur l’affaire criminelle constitué par le père de Christian Prigent), un ensemble de motifs, de figures et de sites, des modèles formels4 et des « axes de travail » (« le réel comme crime contre le sens », « le sang noir du réel noie le sens, l’histoire, l’écriture »).
Les plans de Grand-mère Quéquette où l’on reconnaît la structure du roman reprenant la liturgie des Heures montrent le « farcissement » de ce cadre temporel moins par des actions et des péripéties que par des motifs, images et souvenirs littéraires. Les plans de Christian Prigent ne définissent pas d’abord une armature narrative mais listent par chapitre les références littéraires et picturales à intégrer, ainsi que les textes déjà écrits à recycler. On lit par exemple qu’il faudra dans la section I «  Carrache / Tintoret / Poussin », en IV : la « Peste d’Athènes », en VI : le site de « Cartravers (in Commencement) » et le « CRIME = Gadda, Rimbaud, Monet (trou rouge) ». Le plan dessine ainsi un parcours semé de motifs que l’écriture devra traverser, ou plutôt emporter dans son mouvement. Écrire Grand-mère Quéquette, c’est passer de cette liste des motifs au volume foisonnant que l’on connaît.

Comme les autres livres, Grand-mère Quéquette recycle des documents très divers : articles de presse (rubriques des « faits divers » ou de vulgarisation scientifique), notice de médicament, prospectus publicitaires, etc. Cet ensemble de documents glanés au cours de l’écriture du roman montre qu’écrire, pour Christian Prigent, ça n’est pas s’enfermer dans l’accomplissement d’un programme mais au contraire entretenir un état de réceptivité ironique qui permet d’accueillir des matériaux imprévisibles au départ.




1 Java, n° 5 ; Faire part, n° 14/15 ; Il Particolare, n°4/5 et 21/22.
2 « Des étapes du travail sur chaque livre ne reste la plupart du temps d’une part que les premiers cahiers ou carnets […], d’autre part les toutes dernières étapes (sorties d’imprimantes avec corrections marginales), où les éléments montés sont déjà intégrés et homogénéisés par le phrasé d’ensemble. Mais rien qui permette vraiment de suivre pas à pas la fabrication » (L'Archive..., op. cit., p. 12-13).
3 «  […] je suis toujours parti de documents (écrits ou images). Ensuite : extraction des documents de leur contexte [ …] ; insertion dans un autre contexte (le texte en cours) ; articulation à une composition d’ensemble ; et, la plupart du temps, transformation par diverses manipulations rhétoriques, descriptions décalées, commentaires méta-techniques, déplacements homophoniques, etc. À chaque fois dans cet ordre et sous cette forme dynamique : sélection / extraction / insertion / articulation / transformation » (ibidem, p. 18).
4 On lit par exemple : « voir, comme modèle de structure (et articulation carnavalesque des fragments narratifs, poétiques, dialogués…), le Tête de nègre de Maurice Fourré ».

jeudi 5 juin 2014

La trouvaille d'une langue. Remarques sur Grand-mère quéquette (2003), Demain je meurs (2007) et Les Enfances Chino (2013), par Typhaine Garnier [Recherche - 3]


en lingua franca
en moi (bis)i


Christian Prigent ne parle en réalité qu’une seule langue : le prigentien. Même si elle peut se définir par ses manquements au français courant, cette langue a sa grammaire, son dictionnaire, sa morphologie. Reprenant le motif du début de Commencementii, les premières pages de Grand-mère Quéquette mettent en scène la réticence du locuteur à revêtir le costume quotidien de la langue.iii Cette difficulté inaugurale transpose dans la fiction la conception prigentienne de la littérature comme chance de sortie hors de la « langue de tous » et de la prose consensuelle.


« L’élocuté démantibulé »iv

Pour passer, tracer son « petit chemin », il faut casser.v La destruction n’est évidemment pas le but : comme dans les reprises parodiques de textes littéraires, à la fois irrévérencieuses et aimantes, il s’agit de réanimer la langue, ou plutôt d’y enfanter sa propre langue vivante.vi Cela passe
principalement par des procédés de simplification (suppression des déterminants, parataxevii) et de gauchissement (systématisation de l’à-peu-près, néologisation sauvage). Cristallisations par excellence de la langue, les proverbes et dictons se prêtent particulièrement bien à la distorsion idiote (« Je sème des pets, ça récolte du vent. Qui s’aime au lever décolle en pétant. Ventre qui essaime récolte tempête. », GMQ, 29). L’effet comique vient parfois désamorcer la gravité du propos : « comme on fait son livre on se couche dedans » (DJM, 350) : la déformation d’un dicton populaire « rénove » ici la comparaison solennelle - et banale - de l’œuvre avec le tombeau de l’auteur. Les expressions idiomatiques sont repeintes en comique par une approximation défamiliarisante (« Et que ça vipère du bout de languette », « Ça lui fait du beurre pour les épinards de la réflexion »viii), un développement extravagant (« T’es pas prêt d’atteindre […] au bas de cheville du pied de la jambe du corps dont la main par voie de génie nous a taillé ça », DJM, 21) ou une narrativisation burlesque (« Des anges défilent dans la tabagie en prenant du soin qu’on les repère pas, sinon : la canarde et crash au tapis. », DJM, 195). Ces déformations servent parfois également à contrer un excès de solennité ou d’émotion, comme dans la scène de la dispersion des cendres à la fin de Demain je meurs, où la  prosopopée de la « poudre » est une manière de contourner l’adieu pathétique : « Et la poudre parle […]. Pas boum, fait la poudre. Mais plutôt Adieu. » (DJM, 356).
Prigent multiplie aussi les incorrections comiques au plan lexical. Les néologismes par substitution de lettre (« cauchmerdait »), les déplacements de classes grammaticales (« sans vouage encore à nulle gémonie », « Pas besoin pour ça de nostradamer »ix) et tous les autres phénomènes d’approximation font dans le dos de la langue familière un double étrange qui la mime insolemment. C’est par exemple le portrait du père en costume « gris pierre de cérémonial avec un cache-nez tricoloré autour du ventru », ou celui de la grand-mère attendant le sabot « piqué dans du sablonneux » des « quidams en station de rôle patient ».x Mais les exemples de cet « éboulement » du vocabulaire sont à chaque ligne. Minée par cette drôle de « défaite des lexiques dans des sites syllabiques »xi, la langue réapparaît, c’est-à-dire qu’on la « sent », vivement, à nouveau, « passer ».

« Tambouille d’échos »xii

Prigent travaille la prose à l’aide d’un outillage a priori « poétique », autrement dit musical : rythme, son et souffle. Depuis Une Phrase pour ma mère, le pentamètre est nettement l’unité de base dans les romans.xiii Comme les « trois points » chez Céline, les pentamètres prigentiens sont les rails d’un « métro émotif » pas tout à fait droits mais « profilés spécial » : dans les Enfances Chino davantage que dans les romans précédents, un jeu de brouillage rythmique (variation des tempi) perturbe fréquemment la cadence et déconforte la lecture.xiv
Exceptés dans les passages constitués d’une volée de phrases nominales interrogatives ou exclamatives, l’écriture affronte ici la phrase communicante non en la démembrant syntaxiquement (comme chez Céline), mais en faisant jouer à l’intérieur d’elle, contre le sens, ce que Prigent appelle le « phrasé », ondulation sonore progressant par rebonds paronomastiques parfois parodiquement surlignés :

 
Sans compter le sens du goût du dégât que le gag engage [...]. (GMQ, 174)
Au creux du val rutila un ru plombé de marbrures [...]. (LEC, 15)

Il s’agit donc non seulement de déformer la langue, mais aussi de la « recharger » de tout ce dont l’exigence d’une communication optimale l’a expurgée. Elle se fait ainsi singulièrement remuante sur la cadence pentamétrique, multipliant rebonds et dérapages phoniques, calembours (« Dans le monde
en bas, je tartine mon pain. Dans le monde en haut, je peins ma tartine », GMQ, 43) et contrepèteries (« pour aménager [...] la paix des manèges », GMQ, 113).
La langue de Prigent se caractérise en outre par sa tendance à la prolifération, à la « dépense » dont l’excès se mesure à la disproportion entre la progression narrative (quasi nulle) et le volume verbal (exorbitant). L’effet est maximal dans les boursouflures lexicales (alignements de synonymes ou de termes d’un même champ lexical) qui suspendent le récit par des pauses de quelques mots (« liasses, brochures, opuscules, magazines, libelles, illustrés », « parfums, les effluves ! Ajoute aromate, fumet, exhalaison, bouquet. »xv), de quelques lignesxvi ou de plusieurs pages (la liste des « je crains », dans Grand-mère Quéquette, qui est un enchaînement de plusieurs séries lexicalesxvii). Des effets appuyés de paronomase viennent parfois accentuer le caractère mécanique du procédé énumératif, comme dans ce « portrait » de Fernandexviii 

 
Factotum des tracts, Fernande, rigole pas. Vizir des budgets. […] Aga des agrafes. Princesse des stencils. Pacha des brochures. […] Ministre plénipotentiaire de la cafetière. (DJM, 165)

Ou dans le passage évoquant la vie du père au lycée :

[…] seulaumonditude dans les crépuscules sous le péristyle, saudade en étude parmi le troupeau des fils de plus gros nippés confortables, spleen sous la férule des pleins de soi-même à cause des sapiences, vergogne de la crotte de ses origines collée sous ses socques […]. (DJM, 104)

Pas plus que les autres procédés prigentiens récurrents, l’énumération n’échappe d’ailleurs à l’ironie auctoriale :

 
hommage aux dames de peu de vertu, geishas, créatures, grognasses, courtisanes, apsaras, greluches, gourgandines thaï fines, ou masseuses massaï en pagne […], j’en dirai pas plus. (GMQ, 129)
Vois son opinel. Sa serpe. Sa faucille. Sa hache. Scie. Herminette. Égoïne comme guise d’attribut d’héroïne. Bref : toutes lames. (LEC, 115)


Dans les gloses lexicales à la manière de Brisset (« Tu cries tu fais meuh. Cri + meuh c’est crime : vacherie ici, boucherie là-bas. », GMQ, 56) ou du Leiris de Glossaire, la langue est véritablement prise pour objet - de craintes ou de délices. Le narrateur joue à se faire peur en écoutant les funestes échos de certains termes :

 
Mâchicoulis ou meurtrière. En voilà des mots ! Coulé-mâché-meurtri-mouru ! Ô, misère ! Fatum ! Vocabulourd ! (GMQ, 56)
Chino renfrogne. Renfrogne c’est pas loin de lorgne, grogne, rogne, vergogne à la trogne, pogne qui cogne. Un programme d’action, déjà, ces échos. Rien que du mochetouille. (LEC, 132)

Ou s’attarde dans la dégustation d’autres mots plus doux :
Et tout ça descend […] en mouvements mauves, dans le sentiment, plutôt, du mot mauve, ici presque rose, mais plus allongé, plus doux-indécis, avec une moue de lèvres au bout et un glissement de fade de bonbon vers de la glycine […]. (GMQ, 239).

 
Le déploiement des connotations que les mots véhiculent à même leurs sonorités met ici en oeuvre de façon ostentatoire un principe fondamental de l’écriture poétique, théorisé sous la notion d’ « auto-engendrement » du texte. Selon cette approche sensible et réflexive du vocabulaire, un mot peut être « corrigé » par un autre phoniquement plus juste :

Relent, on dirait, car ça bouge lourd. Remugle va mieux, à cause du moisi et glu, glauque, mou, glas. (GMQ, 369)
Jambons, non : trop gras. Jambes, genre fluet. Mais gambettes ferait trop gai. (LEC, 116)

Le « pouvoir producteur du signifiant » se manifeste par ailleurs dans l’exploitation de la forme concrète du mot (« Plein zOOm ! Eclair Z ! Et le ciel tombe M, avec ses hallebardes. Au mitan, deux ronds : O O. Soit deux yeux, et qui écarquillent. », DJM, 331), cas particulier d’un usage « excentrique » de la typographie qu’on trouve par exemple dans l’incipit aphone de Grand-mère Quéquette ou dans la  « marine » peinte à la fin de Demain je meurs avec « dessin vite fait, au fusain » : « vvvvvvvvvv // V V V V V V V // >>>>>>>>> // ‘ ’’’’’’ ,,,,,, …… // ^^^^^^^^. » (DJM, 334). L’excentricité typographique peut se charger d’un effet pathétique, comme celle qui figure  la « dispersion des cendres d’Aimé dans la mer » à la fin de la scène déjà évoquée :

 Pas boum, fait la poudre. Mais plutôt Adieu. Oui, oyons l’adieu : Adieu ! Adieu ! et même en juste, car c’est vertical :
A
d
i
e
u
!
.
.
.
(DJM, 356)


Dans cette gesticulation énergumène des mots et des lettres, la langue dévoile largement ses dessous. Jetant bas toute notion de hiérarchie des registres ou de « qualité » littéraire, la langue grotesque de Prigent fait entendre l’obscénité latente du langage, son fond refoulé (scatologique, inhumain) vers lequel tendent les diverses formes de régression mises en jeu dans l’écriture : comique « décervelé » des calembours triviaux, puérilité des refrains idiotsxix, bêtise de l’obsession sexuellexx. Babil dangereux, donc, puisque ce parti pris d’un anticonformisme « par le bas » conduit parfois l’écriture au bord de l’idiolecte, du mauvais goût ou de l’asphyxie intellectuelle, comme dans les verbigérations homophoniques du héros de Grand-mère Quéquette :

boîte de camembert boîte d’allumettes, boîte de calumets boîte de merde en barre, bite de cochonnet patte d’oie à lunettes […] C’est pas amulettes, pas plus carambars : pas laisser distraire. […] Camembert, ça m’embête. Allumette, tu m’emmerdes. […] Une paire d’allumoirs, un stère de cacambois, non, ça n’existe pas, t’affole pas. Y avait pas besoin de poire d’arrosoir. Une peau de panthère ? (GMQ, 344-347)


La langue est marrante

La force jubilatoire de la langue de Prigent ne tient cependant pas uniquement à sa dimension transgressive (transgression des normes linguistiques et des « convenances »). Un comique d’ordre purement verbal entre également en jeu : « ping pong » des finales (« dans les crépuscules sous le péristyle », « avec des petits trous de xylocope partout : ça fait d’époque »xxi), évitement d’une sonorité attendue (« breton […], ça campe matois, tout en bois, dans son quant-à-lui. », « Et toutes les suites à tire-larigot jusqu’à la fin des flageolets. »xxii), forme verbale cocasse (« Où le tourne-disque pour qu’on oie Tino faire son sirop en soprano dans Papa Noël ? », DJM, 131), ou encore métaphores filées jusqu’à l’incongru.xxiii
Avec l’association de termes fortement discordants, l’écriture de Prigent retrouve en outre le comique burlesque du couple mal assorti. La discordance syntaxique (ou zeugma) est un phénomène relativement rarexxiv (condition, sans doute, de son efficacité), tandis qu’abondent les violents contrastes de proportions et de registres : passage brutal d’une échelle à l’autre (« On ne marche pas sur ces eaux tentantes comme Jésus-Christ ou la nèpe d’eau dite filiforme»), télescopage des styles élevé et familier (« Câlins : tintin. Tout pour fin amor […]. Avec lui ce fut […] que joyau parfait de zéro papouille. »)xxv, hybridation burlesque du mythologique et du trivialxxvi. L’effet comique du rapprochement incongru est parfois renforcé par une union paronomastique, comme dans ces couples associant un mot familier et un mot savant : « traîner la savate sur la Terre Gaste », « en stabulation sur son tabouret », « Te v’là encore qui procrastines, finis plutôt ta tartine. ».xxvii
Procédé voisin, l’association de l’abstrait et du concret est un autre ressort majeur du comique prigentien. Plus précisément, elle consiste à évoquer une notion ou entité immatérielle comme s’il s’agissait d’une chose matérielle. On la trouve dans des tournures ponctuelles (« Et l’illimité te tombe dans les tubes», « on remonte sourire avec les bretelles de la courtoisie », « Dedans, la main d’angoisse farfouille et pince. »xxviii), mais aussi dans des développements comiques plus étendus,
comme l’allégorie de « la Vérité » dans Demain je meurs :

 
la Vérité, elle daigna poser sur lui son regard […]. Elle était venue du cercle des cieux en parachuté ou en vol glissé sur rond de soucoupe ou via satellite, on l’a jamais su. […] En tout cas ce jour Elle jeta sur lui son stock de dévolu. Or le dévolu de la Vérité, ça pèse, en kilos. D’où boum sur la tête. (DJM, 30-31)

Cette « matérialisation » bouffonne peut être employée à des fins de mise à distance (de l’émotion, de la gravité). C’est ainsi que la voix du père planant sur son linceul « descend de l’étage tapis par des escaliers » (DJM, 351), que l’ascension sociale avait fait naître en lui « l’amertume d’avoir déchu du bas en grimpant plus haut […] jusqu’à se cogner la tête au plafond, et les autres pas » (DJM, 111), ou que le narrateur évoquant son futur attachement au pays prévoit que « l’enraciné sucera [s]a moelle par régurgité de goût du clapier» (DJM, 170).
La pensée et ses effets, chez Prigent, ne se décrit ainsi qu’en termes concrets (« Le vacillé du pensement, ça a souvent des suites en somatisé. », LEC, 91). Demain je meurs et Les Enfances Chino offrent de nombreuses variations sur ce motif, qui sert de lien entre les deux plans simultanés du récit (le plan intellectuel ou « rumination » et le plan concret de l’effort sportif) :

c’est dur, le vélo, avec ces pensées qui cuisent leurs enzymes pour t’empoisonner le muscle de venin et t’handicaper à l’acide urique. » (DJM, 35)
Donc notre héros clopine en sabots ce qu’en ciboulot il rumine boiteux. Effet global : tant clopin que clopant et vice versa. (LEC, 91)

Ainsi, le prigentien n’est pas seulement une langue matérielle (sensible, palpable), c’est aussi une langue bouffonnement « matérialiste », et si elle n’est pas à proprement parler un « langage du corps », l’élément corporel n’en est pas moins convoqué partout où on l’attend le moins.

« bleu bave beige dans vert pâlichon et réciproquement » xxix


Contradictoirement à cette matérialisation forcée, la langue de Prigent est en même temps travaillée par le principe de dissolution qui la fait tendre à l’antédiscursivité et à l’abstraction. Si les passages où la langue n’est qu’une pure matière phonique sont raresxxx, la parole se situe en effet souvent en-deçà de la discursivité : la verbigération, la prolifération délirante d’hypothèses interprétatives, brisent ou suspendent fréquemment le déroulement sémantique. Grand-mère Quéquette s’ouvre et se fermexxxi ainsi sur une parole disloquée, non constituée en discours cohérent : celle de l’enfant qui émerge du sommeil, et celle de la grand-mère qui sombre dans la démence sénile précédant le sommeil définitif.  Mais ce qui apparaît dans l’incipit, c’est justement comment l’écriture atteint progressivement un certain seuil de « lisibilité ». Le lecteur, confronté d’abord à une surface in-signifiante (le tableau typographique des toutes premières lignes), assiste à la prise en masse du livre qui paraît s’auto-engendrer : après les signes viennent des syllabes, qui peu à peu coagulent en mots puis en segments de phrases de plus en plus longs)xxxii, et c’est en vain que le « pas-encore » sujet s’efforce de retarder l’incarnation et la représentation pour demeurer dans la paix de l’avant entrée en scène :

Non : pas djà coloris, encore un répit ! Reste, perte de vue ! Pas de dessin ! Des ombres de Chine ! Du suinté chuinté ! Du vague ! Du baveux ! Des bords ? Un Nord ? Un décor ? Pitié, pas encore ! Frottis de fresques ! Barbouille de gouaches ! Délices du presque ! Effort du pas-encore ! (GMQ, 12)

Le livre s’arrache donc comme à contre-cœur à l’informe, pour y retourner dans les dernières pages où le décor se dissout et où le sujet retrouve la nuit : 

Fini les dessins, tout défile ronron en brûlé de film inimaginable. Je plie moi sur moi, zéro bruit, tout cesse, rien comme figures […] timbres s’amuïssent, tout se décompose, tout va en pâleur vers zéro
couleur. (GMQ, 388-389)xxxiii


Pour autant, entre la lente coagulation initiale et la dissolution finale, l’informe demeure toujours prêt à surgir : après l’advenue des figures, du décor et du discoursxxxiv, le narrateur s’exhorte en effet à conserver toujours le goût de l’indéterminé et du chaotiquexxxv, autrement dit de tout ce qui défie et stimule l’effort d’expression :

Viens, babil dardeur, parle enfin à un ! Mais conserve en toi, tel le goût du crime qui pèse sur ton crâne, celui de l’espace évidé tremblant voluptueux énorme douloureux sans fond où t’avais tes spasmes en incognito […]. (GMQ, 30)

Des commentaires métatextuels explicitent (avec ironie) cette esthétique du flou :

À peine un dessin, d’ailleurs : des textures, avec des coulures façon balayé. C’est comme une peinture sans les figures. (GMQ, 243)
Plus de croisillons d’Écosse en fil régulier. [...] La macule, la barbouille. Les lividités à l’eau de Javel. La confiote perdue sans son étiquette. La tache et la coulure. Pointille et lavasse. La triste figure de l’infiguré. Ou même l’épouvantable de l’infigurable. Aucun dessin qu’on identifie bien. (LEC, 75)

Dans Les Enfances Chino, plus encore que dans les romans précédents, le décor - comme le héros qui y pâtit - a les plus grandes peines à consister et « fond » constamment en « pâlichonneries », « pâte guimauve ou chamallow »xxxvi, à tel point qu’on ne peut manquer de percevoir une touche d’autoparodie dans ces dissolutions / recoagulations successives :

Crachin indistinct sur ci et là. Effet général : dissolution. La matière du site fond dans un café lavassé riche en chicorée. Son contour file un coton mou. (LEC, 109)
Tout file vers un loin de grisaille et d’atonie. La menthe s’évente. Le chèvrefeuille moisit dans l’inodorant. [...] Tout coloris s’absente pastel cochonné puis lavasse de camaïeu de fond de pot. (LEC, 139)


On retrouve également dans tous les romans la même prédilection pour les sites louches, les « architectures démantibulées en moignons sur friches », les « trucs mutilés ».xxxvii Poétique des ruines version Prigent : 

Derrière : pouilleries de jachères pas nettes, confites en poussière parmi les ronciers. Terrains vagues, bon mot : rien qui obéisse à des précisions comme destinée d’utilisation et qu’y font les chiens sauf y divaguer perdus sans collier ? Gravats et gravelles et du résidu de démolition comme souvenirs de géologie. (DJM, 68-69)

Ainsi la plupart des choses font « pitié », tant leur aspect n’est pas, ou plus, à la hauteur de leur nom :

 
Puis tu pousses du bois démantibulé en forme de barrière. Ça ne grince pas : c’est mou, noir gras niellé vert, branloteux […]. Tu enfiles sentier, tu traverses la friche dénommée jardin où les choux à vaches ont la feuille en berne sur tronc de trognon. [...] Volets en vadrouille, torchis ou crépi, on sait pas vraiment : c’est tout couleur charbon. (DJM, 128)

Certaines formes demeurent non identifiables et l’interrogation reste sans réponse (« C’est quoi ce…? » est une tournure récurrente dans Grand-mère Quéquette) :

C’est quoi, ces boudins en ouate en forme de doigts, qui tachent en rougeasse les lividités ? Et ce bouffi-là, qu’a pris un nuage […] : c’est quoi, dites, c’est quoi ? Et c’est quoi encore que décape là-bas la brise au boulot à vif sur la nue ? (GMQ, 13)

Entre la mutité contemplative et la nomination « en bonne et due forme » (définitive, stabilisée), ces salves de questions égarées traduisent, en les aggravant burlesquement, l’angoisse et la difficulté de la nomination du monde, face auquel la langue se trouve toujours démunie.

Mais chez Prigent, tout objet, tout lieu peut aussi bien virer à l’informe, sous l’action dissolvante d’une écriture « phénoménologique », c’est-à-dire qui joue le jeu de la phénoménologie en substituant au nom étiquette un chaos de qualités sensibles éprouvées par fulgurances. Cette orientation réaliste ou « réeliste » de l’écriturexxxviii est énoncée au début de Grand-mère Quéquette dans l’espèce de « programme » esthétique et éthique que se fixe le narrateur : « Résolution six : rien qui porte un nom ! Résolution sept : dessine que du nié ! Résolution huit : pose-toi dans les choses avant qu’on les croque en figure de choses ! » (GMQ, 43). Ainsi l’écrivain, qui ne saurait évidemment sortir de la langue pour toucher le réel (« t’as rien que les mots, t’es en cage dedans. », DJM, 243), peut néanmoins récuser la « réclame du monde » (LEC, 77) en retardant les nomsxxxix :

[…] spots de fers qui grincent formés en outils, son cabosse ou gong à cause d’ustensiles, des clous dans du bois pas mal putréfié. Alors naissent cabanes, granges, soues, appentis. En décoration autour en guirlandes : arabesques et spires, volutes, tortillons et plessis de rames en stylisation. Si je mets des noms, surgit végétation : vigne, capucine et pois de senteur [...]. (GMQ, 199)
Ça fume, c’est plumes, plumeaux ou plumets. On s’en fout si piafs, faîtes arbustifs ou pennes de poule au cul du balai : seule texture importe et que ça ondule doux en sensation. (LEC, 42)

Une tournure stylistique prigentienne repose d’ailleurs sur le retardement du nom : le comparant est dit avant le comparé dont il est la « forme » : « de la galoche en forme de menton », « un tortillon en forme de nombril », « le tire-bouchon en forme de socquettes »xl. Selon le procédé dit de « singularisation »xli, la défamiliarisation passe souvent par l’évitement du mot attendu ou l’ignorance feinte du « bon nom »xlii. Prigent joue ainsi le jeu de Molloy (qui a oublié « la moitié des mots ») et cultive la maladresse périphrastique : les poupées sont « de l’hominidé miniaturé », Trochon est vu « dans le contre-jour comme les figurines qui passent en lanternes par sorte de magie ».xliii Le procédé se charge d’intensité émotionnelle quand le mot « oublié » est lié à un contexte douloureux. C’est souvent le cas dans Demain je meurs, où l’écriture contourne les « mots clés » du récit de mort :

 

du cubique moderne tout plat du plafond, kyrielle de fenêtres et beaucoup d’étages. Cette cage à connins surdimensionnée, c’est la Thébaïde où reclut papa. (DJM, 16)
Tu avanceras […] vers sorte de caisse longitudinale qui trône sur tréteaux drapés de linges blancs avec des poignées torticolées en argenté sur le côté. […] Tu poseras paumes sur la boîte en bois. (DJM, 228)

La défamiliarisation ou étrangéification du monde tient aussi parfois à l’adoption d’un point de vue inhabituel.xliv Du haut de son grenier, le héros de Grand-mère Quéquette voit ainsi en plongée
un carré lino gras avec des pattes de bois posées dsus. En banal : des meubles. […] Autres pattes parmi, dans de la chaussette. Ça, c’est de l’humain, au moins de la chair en rez-de-chaussée. On voit de l’étage que peau sur de l’os, en clair du genou avec de l’écorche […]. (GMQ, 76)

Plus loin, tête en bas, il peine à effectuer la mise au point :

Devant c’est trop grand et vraiment mal peint : on voit du bouillon informe de textures avec des soutaches de bestioles qui gâchent le lisse des surfaces, c’est qu’on est trop prêt : pas facile poser œil au bon milieu. (GMQ, 100)

Prigent dit « envier » la peinture et son « droit comme "naturel" au non-figuratif ». xlv L’écriture « phénoménologique » cherche à atteindre par des moyens verbaux ce pouvoir qu’ont les œuvres picturales de « déf[aire] la vision habituée que nous avons des choses – la vision que, précisément, nous appelons la « réalité » ».xlvi Dans ses « paysages » abstraits (aux couleurs et contours pas nets, qualités sans quantités, adjectifs sans noms), Prigent pousse parodiquement à l’extrême la picturalisation de l’écriture, avec des séries d’adjectifs de couleur en rafales :

Version chromatique : pervenche, prune, myosotis, lin, lavande, jonquille, paille, citron, cerise, framboise, coquelicot, chou, épinard, pomme, marron, orange, saumon, taupe, canard, corbeau, canari, chamois, souris. (LEC, 253)

Dans une rage d’épuisement des ressources lexicales, l’hymne aux « bleus que ton cœur chérit », à la fin de Demain je meurs, se termine ainsi par une avalanche de nuances :

Bleus cérule, marine, de Prusse, charron, horizon. Bleu azur, pastel, de Chine, outremer, cobalt, Trianon, lapis-lazuli, de France, roi, denim, cocagne du cru avant l’indigo venu des tropiques. Bleu pervenche, turquoise, ardoise, canard, Nattier, lavande, pétrole, saphir. Bleu naissant, bleu pâle, bleu mourant. (DJM, 332-333)

Avec cette palette est ensuite peint un décor dont les teintes se mêlent dans une néologisation voyante :

En bas, près : terre violette, c’est noir. Puis pétrolepruneprusse, pas loin d’émeraude, très près du corbeau. Au milieu : violetviolacévioline, épaissi violent. En haut, loin : cérulecobaltcanard puis opale, et pâle, naissant ou mourant. (DJM, 333)

Quand il y a des noms dans les paysages, ils ne viennent souvent qu’après les couleurs et textures :
S’il plisse mieux les yeux, il verra des gris tordus par le vent exprimer un ciel, des cuirs onduler oints de céladon de flotte en averses jusqu’à l’horizon [...]. (LEC, 15)
[…] pans d’herbus bouteilles sur ocres de terre en pente, Sienne ou Naples. […] Dedans : pointillés nombreux, en trous de cupules. Des vaches ont bu là, c’est trace de sabots. Entre large et près : plaque de caramels obliques, beurres d’argiles. Et le bonbon vert d’eau, le jus de fondu : la rivière. (DJM, 326)


Par la trouvaille d’une langue se renouvelle la diction du monde. Issu d’un rapport ambivalent à la langue maternelle, « à la fois gourmand, agressif et physique » xlvii, l’idiome prigentien fait ce qu’il dit : il brouille les structures linguistiques comme il « barbouille » le plan de la représentation. La couleur recouvre le dessin, l’écriture repousse le visible, car l’exact n’est pas dans le détail du trait, mais, au contraire, dans l’ « infigurable » de la sensation.xlviii Le retrait des formes est donc tentative d’approche « en plus près » de la matière du réel (« la poudre des choses sans dessins ni noms »xlix). Mais c’est avec un ironique surplomb critique que Prigent « résiste » ainsi à la représentation. Il se joue des affres de l’infigurable en aggravant autoparodiquement le défiguré ; à la dissolution générale, il oppose le poids d’une langue violemment matérielle (écholalique et animée par une « motilité non figurative »l) et matérialiste pour rire (une langue dans laquelle tout se concrétise, s’incarne ou somatise).
Typhaine Garnier




i « Liste des langues que je parle », L’Écriture, ça crispe le mou, Alfil, Neuvy-le-Roi, 1997, p. 30.
ii « pas facile en fait de redémarrer les conjugaisons, les temps de l’action, la sortie des viandes hors des peaux de nuit fourrées chocolat. On se décrasse pas en si illico. […] Si vous sentez pas cette difficulté, pas la peine de causer. », Commencement, Paris, POL, 1989, p. 12.
iii « Enfile pas trop vite me grincent mes dents. Chausse pas tout d’un coup. Reste un peu en nu pas tout à fait fait. », Grand-mère Quéquette, Paris, POL, 2003, p. 25).
iv GMQ, 201.
v « Sinon on fait jamais que répéter ce que tous ont gargarisé, c’est complètement usé comme articulé, on est tassé dans l’amassé depuis toujours cadenassé : assez ! assez ! – Et t’as pas peur de tout casser ? – On casse jamais que l’encrassé», Commencement, op. cit., p. 20.
vi « Je ne me place pas, en tout cas je ne me place plus depuis longtemps dans une perspective de surenchère paroxystique sur les sévices divers que les avant-gardes du siècle dernier ont fait subir à la langue. Il ne s’agit ni d’aller plus loin ni de faire pire. Il s’agit de « trouver sa langue » […]. », Christian Prigent, quatre temps, rencontre avec Bénédicte Gorrillot, Paris, Argol, 2009, pp. 171-172.
vii Voir par exemple la première page des Enfances Chino, Paris, POL, 2013.
viii GMQ, 241 ; LEC, 79.
ix GMQ, 24, 20 ; LEC, 241.
x GMQ, 210, 36.
xi Commencement, op. cit., p. 66.
xii « C’est ça que je veux comme événements. Pas les actions ou peu. Le jus des bouches, qu’on touille, tambouille d’échos. », ibidem, p. 75.
xiii A l’exclusion du Professeur, que Prigent désigne d’ailleurs plutôt comme un « récit ».
xiv Par exemple : « Le bol répandu, on aura du moche sur la toile cirée avec les traces de gras et les égratignures au couteau de table. » ( LEC, 75), soit un rythme 5/5/5/6/6/5/
xv DJM, 317 ; LEC, 246.
xvi Par exemple la liste des liquides dans Les Enfances Chino : « Asphyxie noyé en jus soupes potages de boues pleurs dégobilles sirops laitances glaires vomis de pinards foutres pipis mazouts sueurs suées coliques sangs cailles sempre da capo ! (LEC, 144) ; ou l’énumération des différents types de cuisses dans Grand-mère Quéquette : « Les grasses, les maigres, les pâles, les bronzées, les velues, les lisses, les duvetées, les variqueuses, les veinées bleu, les marbrées rouge, les roses cochon, les noires plus rares. » (GMQ, 214).
xvii Comme celle des instruments et outils : « Je crains le croc, le couperet, la ou le esse, la feuille et le fusil […]. Je crains la binette, la houe, la bedane, le bec, l’ébauchoir, la hie, l’herminette, surtout la varlope vu rime à salope […]. » (GMQ, 135).
xviii La version antérieure de ce portrait, qu’on trouve dans Une Phrase pour ma mère, ne présentait pas ces jeux paronomastiques (cf. Une Phrase pour ma mère, Paris, POL, 1996, p. 153).
xix « j’va t’cou / j’va t’cou / pélaqué / pélaqué / la qué-la quéquette / le ki –le kiki/ la zé-la zézette. » (GMQ, 176).
xx « Rien qu’à s’informer sur ses attributs, on a des instincts d’acabit semblable en cochonceté car ses chatons mâles sont pédonculés on voit le topo. » (LEC, 249).
xxi DJM, 104 ; LEC, 200.
xxii DJM, 129 ; LEC, 111.
xxiii Par exemple, l’ouverture de l’armoire fait la lumière « sur trucs et bidules en rang quart de poil pour passer revue et le petit doigt, s’ils en avaient un, sur ce qui serait couture du falzar (s’ils en avaient un) » (DJM, 283).
xxiv On relève tout de même, dans Demain je meurs : « maman en pétard et petit Bibi »  et les médailles « que Mémé astique avec de l’amour et le vif argent » (DJM, 194, 292).
xxv DJM, 326-327, 243.
xxvi Voir par exemple la « scène de ménage » dans Les Enfances Chino, pp. 94-105.
xxvii DJM, 207 ; GMQ, 100 ; UPPMM, 35.
xxviii DJM, 40, 171 ; LEC, 139.
xxix GMQ, 100.
xxx Ce ne sont que quelques salves d’onomatopées comme « Crric crrac slurp. Frroutt frroutt pffuitt. » (GMQ, 50).
xxxi Se ferme presque : deux courts chapitres suivent en fait le discours incohérent de la grand-mère.
xxxii Cf. Christian Prigent, quatre temps, op. cit., p. 143.
xxxiii Même motif dans les dernières lignes des Enfances Chino : « Mais un gros doigt mou de nimbus touille les poudres dans l’humeur des souffles qui montent des herbages. Ce lavis de Chine noie les derniers dessins. Noir. Ainsi disparaît le presque ado Chino » (LEC, 563).
xxxiv « plaf, écran total ! Ouille, les précisions ! Boum, panneau pétant de déclarations ! Ça s’appelle réel, paraît, ce frontal de lamentations. » (GMQ, 13).
xxxv J’aimais Confusion et ses ciels brouillés. […] J’aimais Tour de con joué à tout contour. J’aimais d’amour Epiphanie et Agonie. […] J’aimais Vagabonde en tenue pelure dans les transparences. J’aimais Miss Trempette dans les tromperies. […]. Oublie jamais ça. Cochon qui s’en dédit, pareil qui s’en rit. (GMQ, 59)
xxxvi LEC, 109, 183.
xxxvii LEC, 76-77, 64.
xxxviii Le parti pris de l’informe est effectivement lié à l’exigence réaliste, le non flou étant pour Prigent signe de fausseté : « Car l’impression juste comprend l’impression qu’on n’imprime rien de figure exacte si manque le flou qu’on sent comme effet principal du tout » (LEC, 253).
xxxix « c’est dans le mouvement de dispersion des significations habituées et fixées […] que le monde en tant que démesuré, irréductible à la prise symbolique, surgit dans sa vérité et sa vitalité propre : au moment même où les figures qui le dessinent et les noms qu’on lui donne vacillent et s’évanouissent dans une sorte de poudroiement sensoriel et abstraitement irisé. », Ch. Prigent, Le Sens du toucher, Sainte Anastasie, Cadex, 2008, p. 43.
xl GMQ, 215 ; DJM, 313 ; LEC, 259.
xli Cf. Chklovski , « L’art comme procédé », Théorie de la littérature. Textes des Formalistes russes, Seuil (Tel Quel), 1965.
xlii « C’est quoi le bon nom ? où qu’est l’étiquette ? »,  Une Phrase pour ma mère, op. cit., p. 66.
xliii GMQ, 37, 280.
xliv Ou le choix d’un sens autre que visuel, comme dans la description olfactive de l’hôpital dans Grand-mère Quéquette (cf. GMQ, 369).
xlv « L’écrivain que je suis jalouse les pouvoirs de la peinture : il envie sa frontalité impérieuse, le don de l’œuvre dans l’instant du regard, le droit comme « naturel » au non-figuratif, l’évidence du souci formel, quelque anecdotique que soit le propos iconographique. Tout poète rêve de porter son geste verbal à un degré de souveraineté esthétique aussi condensé et rapide, composé et cursif, sensoriel et abstrait. », Ch. Prigent, Le Sens du toucher, op. cit., p. 7.
xlvi Ch. Prigent, Ne me faites pas dire ce que je n’écris pas, op. cit., p. 171.
xlvii Ch. Prigent, La Langue et ses monstres, Saussines, Cadex, 1989, p. 184.
xlviii « L’oeil, ça vous cantonne dans de la distance. Avance, va tâter. Immisce en plus près. Vois plus rien, éprouve. » (LEC, 27).
xlix GMQ, 57.
l Préface à Zanzotto, Les Pâques, Caen, Nous, 1999, p. 8.