en
lingua franca
en moi (bis)i
Christian Prigent ne parle en réalité qu’une
seule langue : le prigentien. Même si elle peut se définir par
ses manquements au français courant, cette langue a sa grammaire,
son dictionnaire, sa morphologie. Reprenant le motif du début de
Commencementii,
les premières pages de Grand-mère
Quéquette mettent en scène la
réticence du locuteur à revêtir le costume quotidien de la
langue.iii
Cette difficulté inaugurale transpose dans la fiction la conception
prigentienne de la littérature comme chance de sortie hors de la
« langue de tous » et de la prose consensuelle.
« L’élocuté démantibulé »iv
Pour passer, tracer son « petit chemin »,
il faut casser.v
La destruction n’est évidemment pas le but : comme dans les
reprises parodiques de textes littéraires, à la fois
irrévérencieuses et aimantes, il s’agit de réanimer la langue,
ou plutôt d’y enfanter sa propre langue vivante.vi
Cela passe
principalement par des procédés de simplification (suppression des déterminants, parataxevii) et de gauchissement (systématisation de l’à-peu-près, néologisation sauvage). Cristallisations par excellence de la langue, les proverbes et dictons se prêtent particulièrement bien à la distorsion idiote (« Je sème des pets, ça récolte du vent. Qui s’aime au lever décolle en pétant. Ventre qui essaime récolte tempête. », GMQ, 29). L’effet comique vient parfois désamorcer la gravité du propos : « comme on fait son livre on se couche dedans » (DJM, 350) : la déformation d’un dicton populaire « rénove » ici la comparaison solennelle - et banale - de l’œuvre avec le tombeau de l’auteur. Les expressions idiomatiques sont repeintes en comique par une approximation défamiliarisante (« Et que ça vipère du bout de languette », « Ça lui fait du beurre pour les épinards de la réflexion »viii), un développement extravagant (« T’es pas prêt d’atteindre […] au bas de cheville du pied de la jambe du corps dont la main par voie de génie nous a taillé ça », DJM, 21) ou une narrativisation burlesque (« Des anges défilent dans la tabagie en prenant du soin qu’on les repère pas, sinon : la canarde et crash au tapis. », DJM, 195). Ces déformations servent parfois également à contrer un excès de solennité ou d’émotion, comme dans la scène de la dispersion des cendres à la fin de Demain je meurs, où la prosopopée de la « poudre » est une manière de contourner l’adieu pathétique : « Et la poudre parle […]. Pas boum, fait la poudre. Mais plutôt Adieu. » (DJM, 356).
principalement par des procédés de simplification (suppression des déterminants, parataxevii) et de gauchissement (systématisation de l’à-peu-près, néologisation sauvage). Cristallisations par excellence de la langue, les proverbes et dictons se prêtent particulièrement bien à la distorsion idiote (« Je sème des pets, ça récolte du vent. Qui s’aime au lever décolle en pétant. Ventre qui essaime récolte tempête. », GMQ, 29). L’effet comique vient parfois désamorcer la gravité du propos : « comme on fait son livre on se couche dedans » (DJM, 350) : la déformation d’un dicton populaire « rénove » ici la comparaison solennelle - et banale - de l’œuvre avec le tombeau de l’auteur. Les expressions idiomatiques sont repeintes en comique par une approximation défamiliarisante (« Et que ça vipère du bout de languette », « Ça lui fait du beurre pour les épinards de la réflexion »viii), un développement extravagant (« T’es pas prêt d’atteindre […] au bas de cheville du pied de la jambe du corps dont la main par voie de génie nous a taillé ça », DJM, 21) ou une narrativisation burlesque (« Des anges défilent dans la tabagie en prenant du soin qu’on les repère pas, sinon : la canarde et crash au tapis. », DJM, 195). Ces déformations servent parfois également à contrer un excès de solennité ou d’émotion, comme dans la scène de la dispersion des cendres à la fin de Demain je meurs, où la prosopopée de la « poudre » est une manière de contourner l’adieu pathétique : « Et la poudre parle […]. Pas boum, fait la poudre. Mais plutôt Adieu. » (DJM, 356).
Prigent multiplie aussi les incorrections comiques au plan lexical.
Les néologismes par substitution de lettre (« cauchmerdait »),
les déplacements de classes grammaticales (« sans vouage
encore à nulle gémonie », « Pas besoin pour ça de
nostradamer »ix)
et tous les autres phénomènes d’approximation font dans le dos de
la langue familière un double étrange qui la mime insolemment.
C’est par exemple le portrait du père en costume « gris
pierre de cérémonial avec un cache-nez tricoloré autour du
ventru », ou celui de la grand-mère attendant le sabot « piqué
dans du sablonneux » des « quidams en station de
rôle patient ».x
Mais les exemples de cet « éboulement » du vocabulaire
sont à chaque ligne. Minée par cette drôle de « défaite
des lexiques dans des sites syllabiques »xi,
la langue réapparaît, c’est-à-dire qu’on la « sent »,
vivement, à nouveau, « passer ».
« Tambouille d’échos »xii
Prigent
travaille la prose à l’aide d’un outillage a
priori « poétique »,
autrement dit
musical : rythme, son et
souffle. Depuis Une Phrase pour ma
mère, le pentamètre est nettement
l’unité de base dans les romans.xiii
Comme les « trois points » chez Céline, les pentamètres
prigentiens sont les rails d’un « métro émotif » pas
tout à fait droits mais « profilés spécial » :
dans les Enfances Chino
davantage que dans les romans précédents, un jeu de brouillage
rythmique (variation des tempi)
perturbe fréquemment la cadence et déconforte la lecture.xiv
Exceptés dans les passages constitués d’une
volée de phrases nominales interrogatives ou exclamatives,
l’écriture affronte ici la phrase communicante non en la
démembrant syntaxiquement (comme chez Céline), mais en faisant
jouer à l’intérieur d’elle, contre le sens, ce que Prigent
appelle le « phrasé », ondulation sonore progressant
par rebonds paronomastiques parfois parodiquement surlignés :
Sans
compter le sens du goût du dégât que le gag engage [...]. (GMQ,
174)
Au
creux du val rutila un ru plombé de marbrures [...]. (LEC,
15)
Il s’agit
donc non seulement de déformer la langue, mais aussi de la
« recharger » de tout ce dont l’exigence d’une
communication optimale l’a expurgée. Elle se fait ainsi
singulièrement remuante sur la cadence pentamétrique, multipliant
rebonds et dérapages phoniques, calembours
(« Dans le monde
en bas, je tartine mon pain. Dans le monde en haut, je peins ma tartine », GMQ, 43) et contrepèteries (« pour aménager [...] la paix des manèges », GMQ, 113).
en bas, je tartine mon pain. Dans le monde en haut, je peins ma tartine », GMQ, 43) et contrepèteries (« pour aménager [...] la paix des manèges », GMQ, 113).
La langue de
Prigent se caractérise en outre par sa tendance à la prolifération,
à la « dépense » dont l’excès se mesure à la
disproportion entre la progression narrative (quasi nulle) et le
volume verbal (exorbitant). L’effet est maximal dans les
boursouflures lexicales (alignements de synonymes ou de termes d’un
même champ lexical) qui suspendent le récit par des pauses de
quelques mots (« liasses, brochures, opuscules, magazines,
libelles, illustrés », « parfums,
les effluves ! Ajoute aromate, fumet, exhalaison, bouquet. »xv),
de quelques lignesxvi
ou de plusieurs pages (la liste des « je crains », dans
Grand-mère Quéquette,
qui est un enchaînement de plusieurs séries lexicalesxvii).
Des effets appuyés de paronomase viennent parfois accentuer le
caractère mécanique du procédé énumératif, comme dans ce
« portrait » de Fernandexviii :
Factotum
des tracts,
Fernande, rigole pas. Vizir des budgets. […] Aga
des agrafes.
Princesse
des stencils.
Pacha
des brochures.
[…] Ministre plénipotentiaire
de la cafetière.
(DJM,
165)
Ou
dans le passage évoquant la vie du père au lycée :
[…]
seulaumonditude
dans les crépuscules
sous le péristyle,
saudade
en étude
parmi le troupeau des fils de plus gros nippés confortables,
spleen
sous la férule des pleins
de soi-même à cause des sapiences,
vergogne
de la crotte
de ses origines collée sous ses socques
[…]. (DJM,
104)
Pas plus que les autres procédés prigentiens
récurrents, l’énumération n’échappe d’ailleurs à l’ironie
auctoriale :
hommage
aux dames de peu de vertu, geishas, créatures, grognasses,
courtisanes, apsaras, greluches, gourgandines thaï fines, ou
masseuses massaï en pagne […], j’en dirai pas plus. (GMQ,
129)
Vois
son opinel. Sa serpe. Sa faucille. Sa hache. Scie. Herminette. Égoïne
comme guise d’attribut d’héroïne. Bref : toutes lames.
(LEC,
115)
Dans les
gloses lexicales à la manière de Brisset (« Tu cries tu fais
meuh. Cri + meuh c’est crime : vacherie ici, boucherie
là-bas. », GMQ,
56) ou du Leiris de Glossaire,
la langue est véritablement prise pour objet - de craintes ou de
délices. Le narrateur joue à se faire peur en écoutant les
funestes échos de certains termes :
Mâchicoulis
ou meurtrière. En voilà des mots ! Coulé-mâché-meurtri-mouru !
Ô, misère ! Fatum ! Vocabulourd ! (GMQ,
56)
Chino
renfrogne. Renfrogne c’est
pas loin de lorgne, grogne, rogne, vergogne à la trogne, pogne qui
cogne. Un programme d’action, déjà, ces échos. Rien que du
mochetouille. (LEC,
132)
Ou
s’attarde dans la dégustation d’autres mots plus doux :
Et
tout ça descend […] en mouvements mauves, dans le sentiment,
plutôt, du mot mauve, ici presque rose, mais plus allongé, plus
doux-indécis, avec une moue de lèvres au bout et un glissement de
fade de bonbon vers de la glycine […]. (GMQ,
239).
Le déploiement des connotations que les mots
véhiculent à même leurs sonorités met ici en oeuvre de façon
ostentatoire un principe fondamental de l’écriture poétique,
théorisé sous la notion d’ « auto-engendrement »
du texte. Selon cette approche sensible et réflexive du vocabulaire,
un mot peut être « corrigé » par un autre phoniquement
plus juste :
Relent,
on dirait, car ça bouge lourd. Remugle va mieux, à cause du moisi
et glu, glauque, mou, glas. (GMQ,
369)
Jambons,
non : trop gras. Jambes, genre fluet. Mais gambettes ferait trop
gai. (LEC,
116)
Le
« pouvoir producteur du signifiant » se manifeste
par ailleurs dans l’exploitation de la forme concrète du mot
(« Plein zOOm !
Eclair Z !
Et le ciel tombe M,
avec ses hallebardes. Au mitan, deux ronds : O
O. Soit deux yeux, et qui
écarquillent. », DJM,
331), cas particulier d’un usage « excentrique » de
la typographie qu’on trouve par exemple dans l’incipit aphone de
Grand-mère Quéquette
ou dans la « marine » peinte à la fin de Demain
je meurs avec « dessin vite
fait, au fusain » : « vvvvvvvvvv // V V V V V V V //
>>>>>>>>> // ‘ ’’’’’’
,,,,,, …… // ^^^^^^^^. » (DJM,
334). L’excentricité typographique peut se charger d’un effet
pathétique, comme celle qui figure la « dispersion des
cendres d’Aimé dans la mer » à la fin de la scène
déjà évoquée :
Pas
boum, fait la poudre. Mais plutôt Adieu. Oui, oyons l’adieu :
Adieu ! Adieu !
et même en juste, car c’est vertical :
A
d
i
e
u
!
.
.
.
(DJM,
356)
Dans cette gesticulation énergumène des mots et des lettres, la
langue dévoile largement ses dessous. Jetant bas toute notion de
hiérarchie des registres ou de « qualité » littéraire,
la langue grotesque de Prigent fait entendre l’obscénité latente
du langage, son fond refoulé (scatologique, inhumain) vers lequel
tendent les diverses formes de régression mises en jeu dans
l’écriture : comique « décervelé » des
calembours triviaux, puérilité des refrains idiotsxix,
bêtise de l’obsession sexuellexx.
Babil dangereux, donc, puisque ce parti pris d’un anticonformisme
« par le bas » conduit parfois l’écriture au bord de
l’idiolecte, du mauvais goût ou de l’asphyxie intellectuelle,
comme dans les verbigérations homophoniques du héros de
Grand-mère Quéquette :
boîte
de camembert boîte d’allumettes, boîte de calumets boîte de
merde en barre, bite de cochonnet patte d’oie à lunettes […]
C’est pas amulettes, pas plus carambars : pas laisser
distraire. […] Camembert, ça m’embête. Allumette, tu
m’emmerdes. […] Une paire d’allumoirs, un stère de cacambois,
non, ça n’existe pas, t’affole pas. Y avait pas besoin de poire
d’arrosoir. Une peau de panthère ? (GMQ,
344-347)
La langue est marrante
La force jubilatoire de la langue
de Prigent ne tient cependant pas uniquement à sa dimension
transgressive (transgression des normes linguistiques et des
« convenances »). Un comique d’ordre purement
verbal entre également en jeu : « ping pong »
des finales (« dans les crépuscules
sous le péristyle »,
« avec des petits trous de xylocope
partout : ça fait d’époque »xxi),
évitement d’une sonorité attendue (« breton […], ça
campe matois, tout en bois, dans son quant-à-lui. », « Et
toutes les suites à tire-larigot jusqu’à la fin des
flageolets. »xxii),
forme verbale cocasse (« Où le tourne-disque pour qu’on oie
Tino faire son sirop en soprano dans Papa
Noël ? »,
DJM,
131), ou encore métaphores filées jusqu’à l’incongru.xxiii
Avec l’association de termes
fortement discordants, l’écriture de Prigent retrouve en outre le
comique burlesque du couple mal assorti. La discordance syntaxique
(ou zeugma) est un phénomène relativement rarexxiv
(condition, sans doute, de son efficacité), tandis qu’abondent les
violents contrastes de proportions et de registres : passage
brutal d’une échelle à l’autre (« On ne marche pas sur
ces eaux tentantes comme Jésus-Christ ou la nèpe d’eau dite
filiforme»), télescopage des styles élevé et familier (« Câlins :
tintin. Tout pour fin
amor […]. Avec
lui ce fut […] que joyau parfait de zéro papouille. »)xxv,
hybridation burlesque du mythologique et du trivialxxvi.
L’effet comique du rapprochement incongru est parfois renforcé par
une union paronomastique, comme dans ces couples associant un mot
familier et un mot savant : « traîner la savate sur la Terre
Gaste », « en stabulation sur son tabouret », « Te
v’là encore qui procrastines, finis plutôt ta tartine. ».xxvii
Procédé voisin, l’association
de l’abstrait et du concret est un autre ressort majeur du comique
prigentien. Plus précisément, elle consiste à évoquer une notion
ou entité immatérielle comme s’il s’agissait d’une chose
matérielle. On la trouve dans des tournures ponctuelles (« Et
l’illimité te tombe dans les tubes», « on remonte sourire
avec les bretelles de la courtoisie », « Dedans, la main
d’angoisse farfouille et pince. »xxviii),
mais aussi dans des développements comiques plus étendus,
comme l’allégorie de « la Vérité » dans Demain je meurs :
comme l’allégorie de « la Vérité » dans Demain je meurs :
la
Vérité, elle daigna poser sur lui son regard […]. Elle était
venue du cercle des cieux en parachuté ou en vol glissé sur rond de
soucoupe ou via satellite, on l’a jamais su. […] En tout cas ce
jour Elle jeta sur lui son stock de dévolu. Or le dévolu de la
Vérité, ça pèse, en kilos. D’où boum sur la tête. (DJM,
30-31)
Cette « matérialisation » bouffonne peut être employée
à des fins de mise à distance (de l’émotion, de la gravité).
C’est ainsi que la voix du père planant sur son linceul « descend
de l’étage tapis par des escaliers » (DJM, 351), que
l’ascension sociale avait fait naître en lui « l’amertume
d’avoir déchu du bas en grimpant plus haut […] jusqu’à se
cogner la tête au plafond, et les autres pas » (DJM,
111), ou que le narrateur évoquant son futur attachement au pays
prévoit que « l’enraciné sucera [s]a moelle par régurgité
de goût du clapier» (DJM, 170).
La pensée et ses effets, chez Prigent, ne se décrit ainsi qu’en
termes concrets (« Le vacillé du pensement, ça a souvent des
suites en somatisé. », LEC, 91). Demain je meurs
et Les Enfances Chino offrent de nombreuses variations sur ce
motif, qui sert de lien entre les deux plans simultanés du récit (le
plan intellectuel ou « rumination » et le plan concret de
l’effort sportif) :
c’est
dur, le vélo, avec ces pensées qui cuisent leurs enzymes pour
t’empoisonner le muscle de venin et t’handicaper à l’acide
urique. » (DJM,
35)
Donc
notre héros clopine en sabots ce qu’en ciboulot il rumine boiteux.
Effet global : tant clopin que clopant et vice versa. (LEC,
91)
Ainsi, le prigentien n’est pas seulement une langue matérielle
(sensible, palpable), c’est aussi une langue bouffonnement
« matérialiste », et si elle n’est pas à proprement
parler un « langage du corps », l’élément corporel
n’en est pas moins convoqué partout où on l’attend le moins.
« bleu bave beige dans vert pâlichon et réciproquement » xxix
Contradictoirement à cette matérialisation forcée, la langue de
Prigent est en même temps travaillée par le principe de dissolution
qui la fait tendre à l’antédiscursivité et à l’abstraction.
Si les passages où la langue n’est qu’une pure matière phonique
sont raresxxx,
la parole se situe en effet souvent en-deçà de la discursivité :
la verbigération, la prolifération délirante d’hypothèses
interprétatives, brisent ou suspendent fréquemment le déroulement
sémantique. Grand-mère Quéquette s’ouvre et se fermexxxi
ainsi sur une parole disloquée, non constituée en discours
cohérent : celle de l’enfant qui émerge du sommeil, et celle de
la grand-mère qui sombre dans la démence sénile précédant le
sommeil définitif. Mais ce qui apparaît dans l’incipit,
c’est justement comment l’écriture atteint progressivement un
certain seuil de « lisibilité ». Le lecteur,
confronté d’abord à une surface in-signifiante (le tableau
typographique des toutes premières lignes), assiste à la prise en
masse du livre qui paraît s’auto-engendrer : après les
signes viennent des syllabes, qui peu à peu coagulent en mots puis
en segments de phrases de plus en plus longs)xxxii,
et c’est en vain que le « pas-encore » sujet s’efforce
de retarder l’incarnation et la représentation pour demeurer dans
la paix de l’avant entrée en scène :
Non :
pas djà coloris, encore un répit ! Reste, perte de vue !
Pas de dessin ! Des ombres de Chine ! Du suinté chuinté !
Du vague ! Du baveux ! Des bords ? Un Nord ? Un
décor ? Pitié, pas encore ! Frottis de fresques !
Barbouille de gouaches ! Délices du presque ! Effort du
pas-encore ! (GMQ, 12)
Le
livre s’arrache donc comme à contre-cœur à l’informe, pour y
retourner dans les dernières pages où le décor se dissout et où
le sujet retrouve la nuit :
Fini
les dessins, tout défile ronron en brûlé de film inimaginable. Je
plie moi sur moi, zéro bruit, tout cesse, rien comme figures […]
timbres s’amuïssent, tout se décompose, tout va en pâleur vers
zéro
couleur. (GMQ, 388-389)xxxiii
couleur. (GMQ, 388-389)xxxiii
Pour autant, entre la lente coagulation initiale et la dissolution finale, l’informe demeure toujours prêt à surgir : après l’advenue des figures, du décor et du discoursxxxiv, le narrateur s’exhorte en effet à conserver toujours le goût de l’indéterminé et du chaotiquexxxv, autrement dit de tout ce qui défie et stimule l’effort d’expression :
Viens,
babil dardeur, parle enfin à un ! Mais conserve en toi, tel le
goût du crime qui pèse sur ton crâne, celui de l’espace évidé
tremblant voluptueux énorme douloureux sans fond où t’avais tes
spasmes en incognito […]. (GMQ,
30)
Des commentaires métatextuels explicitent (avec ironie) cette
esthétique du flou :
À
peine un dessin, d’ailleurs : des textures, avec des coulures
façon balayé. C’est comme une peinture sans les figures. (GMQ,
243)
Plus
de croisillons d’Écosse en fil régulier. [...] La macule, la
barbouille. Les lividités à l’eau de Javel. La confiote perdue
sans son étiquette. La tache et la coulure. Pointille et lavasse. La
triste figure de l’infiguré. Ou même l’épouvantable de
l’infigurable. Aucun dessin qu’on identifie bien. (LEC,
75)
Dans Les Enfances Chino, plus encore que dans les romans
précédents, le décor - comme le héros qui y pâtit - a les plus
grandes peines à consister et « fond »
constamment en « pâlichonneries », « pâte
guimauve ou chamallow »xxxvi,
à tel point qu’on ne peut manquer de percevoir une touche
d’autoparodie dans ces dissolutions / recoagulations successives :
Crachin
indistinct sur ci et là. Effet général : dissolution. La
matière du site fond dans un café lavassé riche en chicorée. Son
contour file un coton mou. (LEC,
109)
Tout
file vers un loin de grisaille et d’atonie. La menthe s’évente.
Le chèvrefeuille moisit dans l’inodorant. [...] Tout coloris
s’absente pastel cochonné puis lavasse de camaïeu de fond de
pot. (LEC,
139)
On
retrouve également dans tous les romans la même prédilection pour
les sites louches, les « architectures démantibulées en
moignons sur friches », les « trucs mutilés ».xxxvii
Poétique des ruines version Prigent :
Derrière :
pouilleries de jachères pas nettes, confites en poussière parmi les
ronciers. Terrains vagues, bon mot : rien qui obéisse à des
précisions comme destinée d’utilisation et qu’y font les
chiens sauf y divaguer perdus sans collier ? Gravats et
gravelles et du résidu de démolition comme souvenirs de géologie.
(DJM,
68-69)
Ainsi la plupart des choses font
« pitié », tant leur aspect n’est pas, ou plus, à la
hauteur de leur nom :
Puis
tu pousses du bois démantibulé en forme de barrière. Ça ne grince
pas : c’est mou, noir gras niellé vert, branloteux […]. Tu
enfiles sentier, tu traverses la friche dénommée jardin où les
choux à vaches ont la feuille en berne sur tronc de trognon. [...]
Volets en vadrouille, torchis ou crépi, on sait pas vraiment :
c’est tout couleur charbon. (DJM,
128)
Certaines
formes demeurent non identifiables et l’interrogation reste sans
réponse (« C’est quoi ce…? » est une tournure
récurrente dans Grand-mère Quéquette) :
C’est
quoi, ces boudins en ouate en forme de doigts, qui tachent en
rougeasse les lividités ? Et ce bouffi-là, qu’a pris un
nuage […] : c’est quoi, dites, c’est quoi ? Et c’est
quoi encore que décape là-bas la brise au boulot à vif sur la
nue ? (GMQ,
13)
Entre la mutité contemplative et la
nomination « en bonne et due forme » (définitive,
stabilisée), ces salves de questions égarées traduisent, en les
aggravant burlesquement, l’angoisse et la difficulté de la
nomination du monde, face auquel la langue se trouve toujours
démunie.
Mais chez Prigent, tout objet, tout lieu peut aussi bien virer à
l’informe, sous l’action dissolvante d’une écriture
« phénoménologique », c’est-à-dire qui joue le jeu
de la phénoménologie en substituant au nom étiquette un chaos de
qualités sensibles éprouvées par fulgurances. Cette orientation
réaliste ou « réeliste » de l’écriturexxxviii
est énoncée au début de Grand-mère Quéquette dans
l’espèce de « programme » esthétique et éthique que
se fixe le narrateur : « Résolution six : rien qui
porte un nom ! Résolution sept : dessine que du nié !
Résolution huit : pose-toi dans les choses avant qu’on les
croque en figure de choses ! » (GMQ, 43). Ainsi
l’écrivain, qui ne saurait évidemment sortir de la langue pour
toucher le réel (« t’as rien que les mots, t’es en cage
dedans. », DJM, 243), peut néanmoins récuser la
« réclame du monde » (LEC, 77) en retardant les
nomsxxxix :
[…]
spots de fers qui grincent formés en outils, son cabosse ou gong à
cause d’ustensiles, des clous dans du bois pas mal putréfié.
Alors naissent cabanes, granges, soues, appentis. En décoration
autour en guirlandes : arabesques et spires, volutes, tortillons
et plessis de rames en stylisation. Si je mets des noms, surgit
végétation : vigne, capucine et pois de senteur [...]. (GMQ,
199)
Ça
fume, c’est plumes, plumeaux ou plumets. On s’en fout si piafs,
faîtes arbustifs ou pennes de poule au cul du balai : seule
texture importe et que ça ondule doux en sensation. (LEC,
42)
Une tournure stylistique prigentienne repose d’ailleurs sur le
retardement du nom : le comparant est dit avant le comparé dont
il est la « forme » : « de la galoche en forme
de menton », « un tortillon en forme de nombril »,
« le tire-bouchon en forme de socquettes »xl.
Selon le procédé dit de « singularisation »xli,
la défamiliarisation passe souvent par l’évitement du mot attendu
ou l’ignorance feinte du « bon nom »xlii.
Prigent joue ainsi le jeu de Molloy (qui a oublié « la moitié
des mots ») et cultive la maladresse périphrastique : les
poupées sont « de l’hominidé miniaturé », Trochon
est vu « dans le contre-jour comme les figurines qui
passent en lanternes par sorte de magie ».xliii
Le procédé se charge d’intensité émotionnelle quand le mot
« oublié » est lié à un contexte douloureux. C’est
souvent le cas dans Demain je meurs, où l’écriture
contourne les « mots clés » du récit de mort :
du
cubique moderne tout plat du plafond, kyrielle de fenêtres et
beaucoup d’étages. Cette cage à connins surdimensionnée, c’est
la Thébaïde où reclut papa. (DJM,
16)
Tu
avanceras […] vers sorte de caisse longitudinale qui trône sur
tréteaux drapés de linges blancs avec des poignées torticolées en
argenté sur le côté. […] Tu poseras paumes sur la boîte en
bois. (DJM,
228)
La défamiliarisation ou étrangéification du monde tient aussi
parfois à l’adoption d’un point de vue inhabituel.xliv
Du haut de son grenier, le héros de Grand-mère Quéquette
voit ainsi en plongée
un
carré lino gras avec des pattes de bois posées dsus. En banal :
des meubles. […] Autres pattes parmi, dans de la chaussette. Ça,
c’est de l’humain, au moins de la chair en rez-de-chaussée. On
voit de l’étage que peau sur de l’os, en clair du genou avec de
l’écorche […]. (GMQ, 76)
Plus loin, tête en
bas, il peine à effectuer la mise au point :
Devant
c’est trop grand et vraiment mal peint : on voit du bouillon
informe de textures avec des soutaches de bestioles qui gâchent le
lisse des surfaces, c’est qu’on est trop prêt : pas facile
poser œil au bon milieu. (GMQ,
100)
Prigent dit « envier » la peinture et son « droit
comme "naturel" au non-figuratif ». xlv
L’écriture « phénoménologique » cherche à atteindre
par des moyens verbaux ce pouvoir qu’ont les œuvres picturales de
« déf[aire] la vision habituée que nous avons des choses – la
vision que, précisément, nous appelons la « réalité » ».xlvi
Dans ses « paysages » abstraits (aux couleurs et
contours pas nets, qualités sans quantités, adjectifs sans noms),
Prigent pousse parodiquement à l’extrême la picturalisation de
l’écriture, avec des séries d’adjectifs de couleur en rafales :
Version
chromatique : pervenche, prune, myosotis, lin, lavande,
jonquille, paille, citron, cerise, framboise, coquelicot, chou,
épinard, pomme, marron, orange, saumon, taupe, canard, corbeau,
canari, chamois, souris. (LEC,
253)
Dans une rage d’épuisement des ressources lexicales, l’hymne
aux « bleus que ton cœur chérit », à la fin de Demain
je meurs, se termine ainsi par une avalanche de nuances :
Bleus cérule,
marine, de Prusse, charron, horizon. Bleu azur, pastel, de Chine,
outremer, cobalt, Trianon, lapis-lazuli, de France, roi, denim,
cocagne du cru avant l’indigo venu des tropiques. Bleu pervenche,
turquoise, ardoise, canard, Nattier, lavande, pétrole, saphir. Bleu
naissant, bleu pâle, bleu mourant. (DJM,
332-333)
Avec cette palette
est ensuite peint un décor dont les teintes se mêlent dans une
néologisation voyante :
En bas, près :
terre violette, c’est noir. Puis pétrolepruneprusse, pas loin
d’émeraude, très près du corbeau. Au milieu :
violetviolacévioline, épaissi violent. En haut, loin :
cérulecobaltcanard puis opale, et pâle, naissant ou mourant. (DJM,
333)
Quand il y a des noms dans les paysages, ils ne
viennent souvent qu’après les couleurs et textures :
S’il plisse mieux
les yeux, il verra des gris tordus par le vent exprimer un ciel, des
cuirs onduler oints de céladon de flotte en averses jusqu’à
l’horizon [...]. (LEC,
15)
[…] pans
d’herbus bouteilles sur ocres de terre en pente, Sienne ou Naples.
[…] Dedans : pointillés nombreux, en trous de cupules. Des
vaches ont bu là, c’est trace de sabots. Entre large et près :
plaque de caramels obliques, beurres d’argiles. Et le bonbon vert
d’eau, le jus de fondu : la rivière. (DJM,
326)
Par la trouvaille d’une langue se renouvelle la diction du monde.
Issu d’un rapport ambivalent à la langue maternelle, « à la
fois gourmand, agressif et physique »
xlvii,
l’idiome prigentien fait ce qu’il dit : il brouille les
structures linguistiques comme il « barbouille » le plan
de la représentation. La couleur recouvre le dessin, l’écriture
repousse le visible, car l’exact n’est pas dans le détail du
trait, mais, au contraire, dans l’ « infigurable »
de la sensation.xlviii
Le retrait des formes est donc tentative d’approche « en plus
près » de la matière du réel (« la poudre des choses
sans dessins ni noms »xlix).
Mais c’est avec un ironique surplomb critique que Prigent
« résiste » ainsi à la représentation. Il se joue des
affres de l’infigurable en aggravant autoparodiquement le
défiguré ; à la dissolution générale, il oppose le poids
d’une langue violemment matérielle (écholalique et animée par
une « motilité non figurative »l)
et matérialiste pour rire (une langue dans laquelle tout se
concrétise, s’incarne ou somatise).
i
« Liste des langues que je parle », L’Écriture, ça
crispe le mou, Alfil, Neuvy-le-Roi, 1997, p. 30.
ii
« pas facile en fait de redémarrer les conjugaisons, les
temps de l’action, la sortie des viandes hors des peaux de nuit
fourrées chocolat. On se décrasse pas en si illico. […] Si vous
sentez pas cette difficulté, pas la peine de causer. »,
Commencement, Paris, POL, 1989, p. 12.
iii
« Enfile pas trop vite me grincent mes dents. Chausse pas tout
d’un coup. Reste un peu en nu pas tout à fait fait. »,
Grand-mère Quéquette, Paris, POL, 2003, p. 25).
iv
GMQ, 201.
v
« Sinon on fait jamais que répéter ce que tous ont
gargarisé, c’est complètement usé comme articulé, on est tassé
dans l’amassé depuis toujours cadenassé : assez !
assez ! – Et t’as pas peur de tout casser ? – On
casse jamais que l’encrassé», Commencement, op. cit., p.
20.
vi
« Je ne me place pas, en tout cas je ne me place plus depuis
longtemps dans une perspective de surenchère paroxystique sur les
sévices divers que les avant-gardes du siècle dernier ont fait
subir à la langue. Il ne s’agit ni d’aller plus loin ni de
faire pire. Il s’agit de « trouver sa langue » […]. »,
Christian Prigent, quatre temps, rencontre avec Bénédicte
Gorrillot, Paris, Argol, 2009, pp. 171-172.
vii
Voir par exemple la première page des Enfances Chino, Paris,
POL, 2013.
viii
GMQ, 241 ; LEC, 79.
ix
GMQ, 24, 20 ; LEC, 241.
x
GMQ, 210, 36.
xi
Commencement, op. cit., p. 66.
xii
« C’est ça que je veux comme événements. Pas les
actions ou peu. Le jus des bouches, qu’on touille, tambouille
d’échos. », ibidem, p. 75.
xiii
A l’exclusion du Professeur, que Prigent désigne
d’ailleurs plutôt comme un « récit ».
xiv
Par exemple : « Le bol répandu, on aura du moche sur la
toile cirée avec les traces de gras et les égratignures au couteau
de table. » ( LEC, 75), soit un rythme
5/5/5/6/6/5/
xv
DJM, 317 ; LEC, 246.
xvi
Par exemple la liste des liquides dans Les Enfances Chino :
« Asphyxie noyé en jus soupes potages de boues pleurs
dégobilles sirops laitances glaires vomis de pinards foutres pipis
mazouts sueurs suées coliques sangs cailles sempre da capo !
(LEC, 144) ; ou l’énumération des différents types
de cuisses dans Grand-mère Quéquette : « Les grasses,
les maigres, les pâles, les bronzées, les velues, les lisses, les
duvetées, les variqueuses, les veinées bleu, les marbrées rouge,
les roses cochon, les noires plus rares. » (GMQ, 214).
xvii
Comme celle des instruments et outils : « Je crains le
croc, le couperet, la ou le esse, la feuille et le fusil […]. Je
crains la binette, la houe, la bedane, le bec, l’ébauchoir, la
hie, l’herminette, surtout la varlope vu rime à salope […]. »
(GMQ, 135).
xviii
La version antérieure de ce portrait, qu’on trouve dans Une
Phrase pour ma mère, ne présentait pas ces jeux
paronomastiques (cf. Une Phrase pour ma mère, Paris, POL,
1996, p. 153).
xix
« j’va t’cou / j’va t’cou / pélaqué / pélaqué / la
qué-la quéquette / le ki –le kiki/ la zé-la zézette. »
(GMQ, 176).
xx
« Rien qu’à s’informer sur ses attributs, on a des
instincts d’acabit semblable en cochonceté car ses chatons mâles
sont pédonculés on voit le topo. » (LEC, 249).
xxi
DJM, 104 ; LEC, 200.
xxii
DJM, 129 ; LEC, 111.
xxiii
Par exemple, l’ouverture de l’armoire fait la lumière «
sur trucs et bidules en rang quart de poil pour passer revue et
le petit doigt, s’ils en avaient un, sur ce qui serait couture du
falzar (s’ils en avaient un) » (DJM, 283).
xxiv
On relève tout de même, dans Demain je meurs : « maman
en pétard et petit Bibi » et les médailles « que
Mémé astique avec de l’amour et le vif argent » (DJM,
194, 292).
xxv
DJM, 326-327, 243.
xxvi
Voir par exemple la « scène de ménage » dans Les
Enfances Chino, pp. 94-105.
xxvii
DJM, 207 ; GMQ, 100 ; UPPMM, 35.
xxviii
DJM, 40, 171 ; LEC, 139.
xxix
GMQ, 100.
xxx
Ce ne sont que quelques salves d’onomatopées comme « Crric
crrac slurp. Frroutt frroutt pffuitt. » (GMQ, 50).
xxxi
Se ferme presque : deux courts chapitres suivent en fait le
discours incohérent de la grand-mère.
xxxii
Cf. Christian Prigent, quatre temps, op. cit., p. 143.
xxxiii
Même motif dans les dernières lignes des Enfances Chino :
« Mais un gros doigt mou de nimbus touille les poudres dans
l’humeur des souffles qui montent des herbages. Ce lavis de Chine
noie les derniers dessins. Noir. Ainsi disparaît le presque ado
Chino » (LEC, 563).
xxxiv
« plaf, écran total ! Ouille, les précisions !
Boum, panneau pétant de déclarations ! Ça s’appelle réel,
paraît, ce frontal de lamentations. » (GMQ, 13).
xxxv
J’aimais Confusion et ses ciels brouillés. […] J’aimais
Tour de con joué à tout contour. J’aimais d’amour Epiphanie et
Agonie. […] J’aimais Vagabonde en tenue pelure dans les
transparences. J’aimais Miss Trempette dans les tromperies. […].
Oublie jamais ça. Cochon qui s’en dédit, pareil qui s’en rit.
(GMQ, 59)
xxxvi
LEC, 109, 183.
xxxvii
LEC, 76-77, 64.
xxxviii
Le parti pris de l’informe est effectivement lié à l’exigence
réaliste, le non flou étant pour Prigent signe de fausseté :
« Car l’impression juste comprend l’impression qu’on
n’imprime rien de figure exacte si manque le flou qu’on sent
comme effet principal du tout » (LEC, 253).
xxxix
« c’est dans le mouvement de dispersion des significations
habituées et fixées […] que le monde en tant que démesuré,
irréductible à la prise symbolique, surgit dans sa vérité et sa
vitalité propre : au moment même où les figures qui le
dessinent et les noms qu’on lui donne vacillent et s’évanouissent
dans une sorte de poudroiement sensoriel et abstraitement irisé. »,
Ch. Prigent, Le Sens du toucher, Sainte
Anastasie, Cadex, 2008, p. 43.
xl
GMQ, 215 ; DJM, 313 ; LEC, 259.
xli
Cf. Chklovski , « L’art comme procédé », Théorie
de la littérature. Textes des Formalistes russes, Seuil (Tel
Quel), 1965.
xlii
« C’est quoi le bon nom ? où qu’est l’étiquette ? »,
Une Phrase pour ma mère, op. cit., p. 66.
xliii
GMQ, 37, 280.
xliv
Ou le choix d’un sens autre que visuel, comme dans la description
olfactive de l’hôpital dans Grand-mère Quéquette (cf.
GMQ, 369).
xlv
« L’écrivain que je suis jalouse les pouvoirs de la
peinture : il envie sa frontalité impérieuse, le don de
l’œuvre dans l’instant du regard, le droit comme « naturel »
au non-figuratif, l’évidence du souci formel, quelque anecdotique
que soit le propos iconographique. Tout poète rêve de porter son
geste verbal à un degré de souveraineté esthétique aussi
condensé et rapide, composé et cursif, sensoriel et abstrait. »,
Ch. Prigent, Le Sens du toucher, op. cit., p. 7.
xlvi
Ch. Prigent, Ne me faites pas dire ce que je n’écris pas, op.
cit., p. 171.
xlvii
Ch. Prigent, La Langue et ses monstres, Saussines, Cadex,
1989, p. 184.
xlviii
« L’oeil, ça vous cantonne dans de la distance. Avance, va
tâter. Immisce en plus près. Vois plus rien, éprouve. »
(LEC, 27).
xlix
GMQ, 57.
l
Préface à Zanzotto, Les Pâques, Caen, Nous, 1999, p. 8.