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jeudi 25 mars 2021

Sylvain Santi, Cerner le réel. Christian Prigent à l'oeuvre

 Sylvain Santi, Cerner le réel. Christian Prigent à l’œuvre, préface de Michel Surya, ENS éditions, Lyon, hiver 2019-2020, 366 pages, 29 €, ISBN : 979-10-362-0186-8.

« Par où entrer dans l’œuvre imposante, qui s’imposera,
de Christian Prigent ? Par ce livre de Sylvain Santi par exemple,
où tout entre déjà, en totalité ou en partie, de ce qui la constitue :
poèmes, récits, essais, théories et… politique. De ce qui fait
ses liens, parfois contradictoires » (Préface de Michel Surya, p. 21).

Dans une édition soignée, préfacé par Michel Surya qui développe les rapports entre poétique et politique, voici le premier essai sur l’œuvre d’un des poètes français les plus reconnus : suite au premier volume collectif paru en 2017 chez Hermann, Christian Prigent : trou(v)er sa langue, le livre que propose Sylvain Santi, spécialiste de Bataille qui travaille depuis des années sur l’œuvre de Prigent, se concentre en quatorze chapitres répartis en deux parties sur une question centrale – le « réel » – déjà abordée mais pas de façon aussi fouillée.

Au reste, il ne s’agit pas d’une monographie : s’adaptant à son objet, l’auteur ne cherche nullement une impossible exhaustivité, sachant qu’on ne peut cerner cette œuvre insaisissable qu’en esquissant des pistes, suggérant qu’il y a de l’innommable, déroulant des fils que les lecteurs devront tisser pour construire leur propre parcours. Son originalité est d’y entrer par de petites mais subtiles portes : le chapitre liminaire d’un essai marquant (« Lucrèce à la fenêtre », Salut les anciens, P.O.L, 2000), qui constitue « une fenêtre ouverte sur l’œuvre de Prigent » (p. 23) ; divers écrits et entretiens pas encore bien connus, ; un Journal de l’œuvide et un Album de Commencement mis en regard d’une première fiction, précisément intitulée Commencement(P.O.L, 1989), qui signe le vrai démarrage de ce qu’on appelle une carrière… Ainsi, un peu comme l’entreprise proustienne prend forme et se développe à partir de la fameuse tasse de thé, toute la première partie du livre découle de la lecture d’un seul chapitre de Salut les anciens : cette brèche offre une véritable ouverture vers l’œuvre entière, prolongée et approfondie, dans la seconde partie, par d’autres saillies du côté de Ce qui fait tenir, du Journal de l’œuvide et des premières fictions. À la synthèse surplombante, au survol synthétique, aux vains propos généralisateurs, l’auteur préfère une critique immanente qui suit les textes sélectionnés au plus près, creusant son propre sillon avec rigueur et méthode : les analyses et références sont pertinentes, les perspectives très souvent inédites, qui s’appuient sur un solide outillage philosophique, rhétorique/linguistique et psychanalytique. Avec Sylvain Santi, manière de critiquer et « manière de flâner » (23) vont ainsi de pair. Dans son journal intellectuel qui vient d’être publié sous le titre de Point d’appui 2012-2018, Christian Prigent y voit « un programme d’écriture et sa réalisation méticuleuse » (P.O.L, p. 257).

L’intérêt d’une telle démarche réside également dans un autre type d’ouverture : aux divers états du champ poétique comme à des figures majeures – telles Lucrèce, Scarron, Baudelaire, Sade, Bataille, ou encore Ponge.

On peut toutefois regretter que les chapitres 2 (« Hériter du père ») et 3 (« Modernité »)  ne soient pas plus approfondis et un peu trop proches des analyses de l’auteur lui-même (trop de citations sans doute) et recroisant parfois des études déjà publiées. On est d’ailleurs surpris de n’y trouver aucune référence à la critique prigentienne, comme si l’on pouvait écrire ex nihilo sur une œuvre déjà consacrée.



samedi 12 juillet 2014

[Chronique] Autour de Christian Prigent à Cerisy, par Fabrice Thumerel


Christian Prigent : trou(v)er sa langue

(colloque de Cerisy organisé par Bénédicte Gorrillot, 

Sylvain Santi et Fabrice Thumerel)

Photos : tous droits réservés à leurs auteurs (F. Thumerel et B. Gorrillot) ; photos officielles (en noir & blanc).


C. Prigent, J.-P. Verheggen et A. Frontier
Autour de Christian Prigent, pour de vrai. Pas d'une icône. Nulle statue de bronze ni de cire, nulle sanctification (Saint-Bouche ? Saint-Trou ? Saint-Broc ? Saint-Troc ? Saint-Froc ? Saint-Chie ? Saint-Chiot ? Saint-Chino ? Saint-Coco ? Saint-Zoo ? Saint-Zozo ? Saint-Zigoto ? Saint-Glotte ? Saint-Crotte ? Saint-Orœil ? Saint-TXT ? Saint-Raté ? Saint-Dérapé ? Saint-Dératé ? Saint-Excès ? Saint-Nié ? Saint-Délié ? Saint-Eros ? Saint-Tas d'nonos ? Saint-Ubu ? Saint-Tordu ? Saint-Catastrophe ? Saint-Carnaval ? Saint-Sens-du-Non-Sens ?). Une relation, pour de vrai : un groupe uni dans l'agir communicationnel, une communauté ouverte (dans l'espace et sur l'avenir).

Vanda Benes, Anne-Sophie Miccio et Typhaine Garnier
Entouré de quelques amis du groupe TXT (Philippe Boutibonnes, Éric Clémens, Alain Frontier et Jean-Pierre Verheggen), d'artistes divers (acteurs, peintres, cinéastes, musiciens) et de dizaines de lettrés et d'universitaires, Christian Prigent s'est investi avec une rare énergie sans chercher à occuper une intenable position auctoriale : sa voix a résonné au cours de ses lectures (soirée inaugurale et ouverture de chaque séance), mais aussi à l'occasion du film signé Ginette Lavigne ( La Belle Journée, 2010), de la soirée poétique à laquelle il a invité trois poètes de la génération suivante (Abbaye d'Ardenne / IMEC : Bruno Fern, Christophe Manon et Sylvain Courtoux), des performances exceptionnelles données par Vanda Benes et Jean-Marc Bourg (Peep-Show pour la première et "Comment se dit Commencement" pour le second), et enfin du récital offert par Vanda Benes et Typhaine Garnier ("Les Chansons du Lapin Rouge", composées par Jean-Christophe Marti sur des textes de Christian Prigent).


Le premier colloque international entièrement consacré à l'œuvre d'un écrivain désormais reconnu comme un classique de la modernité, "Christian Prigent : trou(v)er sa langue", avait pour objectif de faire le point sur quarante-cinq ans d'activité protéiforme : le directeur de TXT (1969-1993), qui n'a jamais cessé de s'intéresser à l'univers des revues, s'est en effet illustré dans tous les domaines (poésie, essai, roman, théâtre, entretien, traduction, chronique journalistique, lecture de ses textes) - dont il a su déplacer les frontières, les marquant ainsi de son empreinte. La problématique retenue était une invitation à réfléchir non seulement sur la langue de l'auteur (lalangue) et son rapport aux langues comme à la Bibliothèque, mais encore sur la fatalité de toute langue (comment en sortir ? surtout pas par la langue...) et sur la nécessité pour l'écrivain de trouer les discours dominants afin de trouver sa langue.
Schéma de Philippe Boutibonnes


Le premier fait remarquable est la variété des approches (poétique, intertextuelle, érudite, psychanalytique, linguistique, philosophique, historique, sociologique, politique...), qui a permis de déborder un premier espace de réception orienté par l'auteur (avant-gardes et modernité négative, revue TXT, lectures lacanienne et carnavalesque orthodoxes) et d'aborder aussi bien la réception journalistique de l'œuvre que la nouvelle donne introduite en 2012 par le premier dépôt d'archives (la présentation du fonds Prigent à l'IMEC - Institut Mémoires de l'Edition Contemporaine - a été menée par Yoann Thommerel et Typhaine Garnier).
L'auteur et les organisateurs
On notera également que le spectre entier de l'œuvre a été couvert, des premiers (Power / powder, 1977 ; Œuf-glotte, 1979 ; Voilà les sexes, 1981 ; Peep-Show, 1984 ; Deux dames au bain, 1984) aux derniers textes de poésie (Météo des plages, 2010 ; La Vie moderne, 2012), des nombreux essais et entretiens aux fictions de la "matière de Bretagne" (Commencement, 1989 ; Une phrase pour ma mère, 1996 ; Grand-mère Quéquette, 2003 ; Demain je meurs, 2007 ; Les Enfances Chino, 2013).
Enfin, le dialogue avec les autres écrivains présents a été particulièrement fécond : le drôle et émouvant Jean-Pierre Verheggen a lu une petite partie des lettres qu'il a reçues de son vieil ami ; Jean-Claude Pinson a décentré la perspective vers la poéthique ; Jean-Pierre Bobillot vers la mediopoétique ; Nathalie Quintane vers le dialogue entre modernité et postmodernité ; David Christoffel vers le kitch... Les autres décentrements ont été favorisés par des débats animés entre tel ou tel acteur historique et les exégètes d'aujourd'hui, et autour de l'antinomie moderne / antimoderne, des pratiques du montage...

Pour toutes ces raisons, ce colloque constitue sans aucun doute un tournant dans les études prigentiennes.




vendredi 20 juin 2014

[Actualité] Colloques : L'Illisibilité en questions ; Christian Prigent : trou(v)er sa langue, par Fabrice Thumerel

 
Christian Prigent et Vanda Benes à Quimper en 2011

Du lundi 30 juin au lundi 7 juillet 2014 / Christian Prigent : trou(v)er sa langue, colloque international de Cerisy sous la direction de Bénédicte Gorrillot, Sylvain Santi et Fabrice Thumerel

♦ Modification du programme : Nous avons le regret d'enregistrer les forfaits de Tristan Hordé, de Vincent Vivès et de Daniel Dezeuze ; le mardi 1er juillet après-midi, c'est donc Dominique Brancher qui intervient ("Dégeler Rabelais. Mouches à viande et mouches à langue dans l'œuvre de Christian Prigent") et le vendredi 4 juillet après-midi Typhaine Garnier, "L’écrivain aux archives ou le souci des traces : « c’est quoi qu’on a été, qu’on est, qu’on sera ? » (Commencement, POL, 1989, p. 27). "

♦ Il reste des forfaits à la journée : 35 €/jour déjeuner compris ou 54 € déjeuner et dîner compris.
Pour une participation uniquement aux séances il est demandé 16 €/jour (soit 8 € par matinée ou après-midi).
A cela il convient d’ajouter la cotisation associative obligatoire ramenée au tarif étudiant de 10 € pour les personnes de région.
S’inscrire au préalable en renvoyant le bulletin qui se trouve à la page suivante du site internet : http://www.ccic-cerisy.asso.fr/bulletininscription.html, en réglant les frais de cotisation et de séance(s) ainsi qu’en précisant ses dates de venues.

CCIC
Tél : 02 33 46 91 66
Fax : 02 33 46 11 39


Bénédicte Gorrillot et Alain Lescart dir., L'Illisibilité en questions, Actes du colloque de San Diego (USA), avec Michel Deguy, Jean-Marie Gleize, Christian Prigent, Nathalie Quintane, Presses Universitaires du Septentrion, Université de Lille III, printemps 2014, 316 pages, 28 €.
[Christian Prigent, "Du sens de l'absence de sens", p. 31-36 ; chap. 2 : "Les Trouées Christian Prigent", p. 97-138]

"Prigent l'illisible", titraient Les Nouvelles Littéraires en 1982, au moment où la revue TXT déton(n)ait dans un champ littéraire désormais "postmoderne". Dans son passionnant entretien avec Bénédicte Gorrillot, "Du droit à l'obscurité", l'auteur reconnaît du reste bien volontiers que, dès la fin du siècle, le discours théoriciste des avant-gardes est devenu "illisible". Ce qui ne l'empêche pas de continuer à revendiquer une certaine forme d'illisibilité : dès lors que la langue est ce qui nous sépare du monde, celui qui veut rendre compte de son expérience singulière ne peut le faire que dans une langue étrangère aux discours ambiants. Mais une autre forme d'illisible frappe l'écrivain : Demain je meurs (P.O.L, 2007) lui a parfois paru non lisable car trop lisible (comment réussir une performance orale lorsque "la phrase (mimétique) domine le phrasé (la « poéticité » )" (p. 111) ?

Dans "Du sens de l'absence de sens", Christian Prigent rappelle d'ailleurs diverses significations de l'étiquette "illisible" : ennuyeux, littérairement indigne, "illisible à force d'être trop lisible", hermétique, impartageable parce que idiomatique, daté... Il revient ensuite sur ses propres options : "l'illisibilité est intrinsèque à ce type de rapport particulier à la langue et au réel qu'on appelle littérature" (p. 33). Cette "indécision du sens" revêt évidemment une dimension critique : "Écrire répond à un refus d'être l'otage des fictions que la parole commune, les représentations idéologiques et les croyances qui s'y stratifient tentent de nous faire prendre pour la réalité" (35). En somme, le véritable écrivain serait en quête d'une langue plus "authentique". Mais qu'est-ce qu'une langue véritable ? "Une langue « plus vraie » serait une langue sachant dire qu'il n'y a pas de « vraie langue » " (p. 125), répond Olivier Penot-Lacassagne dans ses notes sur Glossomanies (1996).

Et si "illisible" signifiait incompréhensible par un seul lecteur ? Pour Hugues Marchal, Christian Prigent est un "auteur impossible" (Valery) qui suscite une figure de lecteur impossible ; d'où la nécessité d'une "communauté interprétative". Et le critique de montrer le brio avec lequel l'écrivain (se) joue des savoirs comme des formes, des discours, des registres et des genres : "pour reprendre la métaphore cycliste, Prigent force son lecteur à changer sans cesse de braquet pour traverser des régimes de lisibilité, c'est-à-dire des pactes de lecture, instables" (p. 137).

jeudi 23 janvier 2014

Colloque de Cerisy. Christian Prigent : trou(v)er sa langue





                   CHRISTIAN PRIGENT : TROU(V)ER SA LANGUE

DU LUNDI 30 JUIN (19 H) AU LUNDI 7 JUILLET (14 H) 2014

(Colloque de 7 jours)

DIRECTION : Bénédicte GORRILLOT, Sylvain SANTI, Fabrice THUMEREL

Avec la participation de Christian PRIGENT

ARGUMENT :

Comme ancien directeur de la revue d'avant-garde TXT (1969-1993) autant que par l’ampleur et la diversité de son œuvre personnelle, Christian Prigent (né en 1945) fait l’objet, depuis 10 ans, de multiples publications, rencontres, journées d’étude, enregistrements, mises en scène et films. D’où l'opportunité d’organiser un colloque international qui permette d'établir un premier bilan des réflexions proposées sur cet écrivain et d'ouvrir d'autres perspectives de lecture.


Le réel est ce que l’écrivain affronte, face auquel il essaie de trouver sa langue. Or ce réel est pour lui, comme pour Lacan, ce qui "commence là où le sens s'arrête". C’est encore le réel pulsionnel du corps qui défait les voix, comme chez Artaud ou Bataille. Marqué par la négativité de la Modernité, Prigent ne cesse donc de trouer la langue, les représentations admises aussi bien que l’histoire littéraire. Et il problématise violemment la légitimité du geste créateur. Mais il invite aussi à un salut du poétique inattendu en ce début de siècle qui continue volontiers à liquider, avec les avant-gardes, les genres millénaires, les engagements politiques et les utopies esthétiques. Les livres de Christian Prigent proposent ainsi une "trouée", au sens de la promesse d'une embellie. Car s'y opère peut-être le miracle d'avoir forcé l'expression juste du réel - voire de soi ?