L'appel traditionnel de la cloche cerisyenne : le colloque peut commencer... |
Tandis que, en cet automne, les participants au colloque "Christian Prigent : trou(v)er sa langue" - qui s'est déroulé à Cerisy du lundi 30 juin au lundi 7 juillet 2014 - sont en train de peaufiner leur travail pour une publication des Actes fixée au premier trimestre 2016, voici, en présentations, vidéos, audios et photos, un aperçu précis de ce qui a eu lieu (six posts pour six jours pleins).
© Photos : Françoise Bauduin, Vanda Benes, Mélanie Blondel, Marie-Hélène Dhénin, Typhaine Garnier, Bénédicte Gorrillot, Ginette Lavigne, Fabrice Thumerel et Justine Urru.
* Vidéos : postées sur Daily motion par Vanda Benes, directrice de La Belle Inutile.
* Audios : service technique du centre de Cerisy-la-Salle.
N.B. : photos insolites sur le blog de Françoise Bauduin, Lieux-dits ; reportage photo et vidéos sur le blog La Belle Inutile.
MARDI 1er juillet 2014
Ouverture du colloque
Bénédicte GORRILLOT, "Histoire d'un colloque : pourquoi plutôt la langue ?" [écouter]
Fenêtre ouverte : vues sur PRIGENT... |
Séance 1 - Le réelisme de Christian Prigent
* La Voix de Christian Prigent : "Ce que m'a dit l'ange", Une phrase pour ma mère.
Lecture de l'auteur, avant la première conférence (F. Thumerel) |
* Fabrice THUMEREL,
« Réel : point Prigent. (Le réalisme critique dans la "matière de Bretagne") »
Dans la première version de L'Incontenable (P.O.L, 2004), intitulée Réel : point zéro (Weidler Buchverlag, Berlin, 2001), Christian Prigent formule cette définition qui a fait date: "J'appelle 'poésie' la symbolisation paradoxale d'un trou. Ce trou, je le nomme 'réel'. Réel s'entend ici au sens lacanien : ce qui commence 'là où le sens s'arrête'. La 'poésie' tâche à désigner le réel comme trou dans le corps constitué des langues". Et de compléter cette conception négative du travail poétique entendu au sens large du terme, c'est-à-dire par delà les frontières entre les genres institués : "la poésie vise le réel en tant qu'absent de tout bouquin. Ou : le réel en tant que point zéro du calcul formel qui fait texte" (p. 11). En milieu prigentien, ce réel-point zéro qui constitue le point d'asymptote de la poésie et de la référentialité a pour nom Dieu, Nature ou corps : innommable, le réel n'existe qu'en langue (réel-en-langue) ; inatteignable, ce point zéro rend paradoxal tout réalisme - l'objectif visé se dérobant sans cesse (et c'est ce ratage même qui constitue l'écriture). Il s'agira ici d'étudier la façon dont l'ôteur, dans les fictions ressortissant à la "matière de Bretagne" (Commencement, Une phrase pour ma mère, Grand-mère Quéquette, Demain je meurs et Les Enfances Chino), dépasse l'antinomie entre formalisme et expressionnisme pour aboutir à un réalisme critique qui consiste à ne pas prétendre appréhender directement la réalité sociale ou l’expérience humaine, mais à la viser obliquement ; la façon dont il troue les discours pour trouver une langtourloupe faite de phrasés scriptosensoriels et de dérapés carnavalesques. /FT/
- La discussion a porté sur les dimensions dialectique, mathématique et physique du zéro ; sur l'équilibre des contraires dans cette écriture ; la dialectique entre dérobade et recommencement, sublime et trivial...
Avec le sourire, les secrétaires sont en place : Justine Urru et Mélanie Blondel. |
Séance 2 - La langue de la division : torsions, excès
* La voix de Christian Prigent : "L'Écriture, ça crispe le mou", in Commencement ; "104 slogans".
* Chantal LAPEYRE-DESMAISON : Ratages et merveilles : le geste baroque de Christian Prigent
* Chantal LAPEYRE-DESMAISON : Ratages et merveilles : le geste baroque de Christian Prigent
Ratage et réussite, grâce et laideur sont des termes difficiles à manier
quand
on parle de littérature (Christian Prigent, Ne me faites pas dire ce que je n'écris pas.
Entretiens avec Hervé Castanet, Cadex, 2004, p. 125).
"Le réel n’est pas pour lui ce qu’on figure - mais ce qui défigure",
écrit Christian Prigent à propos de Daniel Dezeuze, dans Rien qui porte un nom. De cette
défiguration toute son œuvre porte trace ; cette communication vise à en suivre la
manifestation dans deux textes inclassables et une fiction, liés par un
souci commun de dire le réel de l’amour et du sexuel : "Roue, roue
voilée, roue en huit", paru dans Figures
du baroque (Jean-Marie Benoist dir., PUF, 1983), Deux Dames au bain avec portrait du
donateur (L'Un dans l'Autre, 1984), et dans la fiction Le Professeur (Al dante, 1999).
Les deux premières œuvres sont présentées explicitement comme des
ratages par Christian Prigent, nés du nécessaire affrontement à deux
impossibles (comme deux visages du même), incessamment convoqués dans
l’œuvre du poète: l’impossible à voir - que reconduit la peinture - et
l’impossible à dire - au cœur de la création littéraire. Cette
expérience singulière confère aux œuvres, aux genres, aux "postures
d’énonciation" qui acceptent d’en témoigner une étrange torsion. La
confrontation, pleinement assumée comme telle, à l’irreprésentable du
représenté, à l’indicible du dire, le réel, à la fois cause et objet,
seraient-ils les noms du baroque aujourd’hui, permettant de
repenser ainsi ce concept au-delà de toutes les querelles historiennes
et esthétiques qui l’ont révoqué en doute ? /CLD/
- Suite à cette communication qui se voulait un dialogue avec Hervé Castanet - malheureusement absent -, les débats se sont concentrés sur le réel comme infini déploiement du ratage verbal, l'art du ratage, l'économie de la jouissance, les liens entre les deux textes retenus de Prigent...
* Dominique BRANCHER : Dégeler Rabelais. Mouches à viande, mouches à langue dans l'œuvre de Christian Prigent
Il s’agira de lire Prigent à travers Rabelais et Rabelais à travers Prigent, faisant à chacun porter le masque de l’autre pour les faire dialoguer sur une scène carnavalesque où le masque peut se faire braguette, "outre la grandeur naturelle [de leurs pièces]" (Montaigne), ou toque magistrale. Car chez l’un comme chez l’autre "le savoir le plus poussé" côtoie la "trivialité [la plus] obscène" (Ceux qui merdRent) : il faut autant y saisir ce que le badinage comporte de gravité qu’y lire à "plus bas sens" la jactance spiritualiste. On peut hésiter cependant sur la nature du masque prigentien - s’agit-il du discours tenu sur Rabelais, figure iconique d’une pratique excessive de la langue qui désigne comme innommable le réel qui l’excède ? Ou s’agit-il d’une pratique d’écriture, souvent qualifiée de rabelaisienne par la critique, alors même que Prigent entretient avec Rabelais une relation d’ordre essentiellement "fantasmatique", selon son propre terme ? Il affirme en effet l’avoir très peu lu, sort réservé aux auteurs qui lui plaisent "trop" (Une erreur de la nature). Ne pas lire, dans la perspective prigentienne, c’est peut-être lire en creux un texte pour ce qu’il n’arrive pas à dire et qu’il désigne comme son impossible, c’est pratiquer une lecture excessive, outre-texte, parfois médiatisée par d’autres regards critiques. Ainsi le Rabelais de Prigent a-t-il d’abord été celui de Bakhtine. On s’intéressera à la résurrection de Rabelais par Prigent et au déplacement de Prigent sous la poussée rabelaisienne, entre mémoire, fantasme et invention. On envisagera ce trouble sous le double aspect du parler caca et du parler cochon./DB/
- Dans la discussion, ont été abordés le rapport entre saturation baroque et saturation carnavalesque ; la rhétorique du circum ; les rapprochements possibles entre mouches à viande / à langue et la mouche du coche (Maupassant), le rimbaldien bourdonnement farouche...
- Suite à cette communication qui se voulait un dialogue avec Hervé Castanet - malheureusement absent -, les débats se sont concentrés sur le réel comme infini déploiement du ratage verbal, l'art du ratage, l'économie de la jouissance, les liens entre les deux textes retenus de Prigent...
Séance 2 : à droite de la présidente de séance Bénédicte Gorrillot, Chantal Lapeyre et Dominique Brancher. |
* Dominique BRANCHER : Dégeler Rabelais. Mouches à viande, mouches à langue dans l'œuvre de Christian Prigent
Il s’agira de lire Prigent à travers Rabelais et Rabelais à travers Prigent, faisant à chacun porter le masque de l’autre pour les faire dialoguer sur une scène carnavalesque où le masque peut se faire braguette, "outre la grandeur naturelle [de leurs pièces]" (Montaigne), ou toque magistrale. Car chez l’un comme chez l’autre "le savoir le plus poussé" côtoie la "trivialité [la plus] obscène" (Ceux qui merdRent) : il faut autant y saisir ce que le badinage comporte de gravité qu’y lire à "plus bas sens" la jactance spiritualiste. On peut hésiter cependant sur la nature du masque prigentien - s’agit-il du discours tenu sur Rabelais, figure iconique d’une pratique excessive de la langue qui désigne comme innommable le réel qui l’excède ? Ou s’agit-il d’une pratique d’écriture, souvent qualifiée de rabelaisienne par la critique, alors même que Prigent entretient avec Rabelais une relation d’ordre essentiellement "fantasmatique", selon son propre terme ? Il affirme en effet l’avoir très peu lu, sort réservé aux auteurs qui lui plaisent "trop" (Une erreur de la nature). Ne pas lire, dans la perspective prigentienne, c’est peut-être lire en creux un texte pour ce qu’il n’arrive pas à dire et qu’il désigne comme son impossible, c’est pratiquer une lecture excessive, outre-texte, parfois médiatisée par d’autres regards critiques. Ainsi le Rabelais de Prigent a-t-il d’abord été celui de Bakhtine. On s’intéressera à la résurrection de Rabelais par Prigent et au déplacement de Prigent sous la poussée rabelaisienne, entre mémoire, fantasme et invention. On envisagera ce trouble sous le double aspect du parler caca et du parler cochon./DB/
- Dans la discussion, ont été abordés le rapport entre saturation baroque et saturation carnavalesque ; la rhétorique du circum ; les rapprochements possibles entre mouches à viande / à langue et la mouche du coche (Maupassant), le rimbaldien bourdonnement farouche...
Soirée - Lecture de Christian Prigent (écouter)