Un grand merci à Christian Prigent d'avoir pris la peine de ressaisir le
texte de son premier recueil - quasiment introuvable aujourd'hui -,
dans lequel il ne cite André Breton que pour mieux en prendre le
contrepied, n'ayant de cesse de dégonfler les idéalismes. Avec Denis
Roche, entre autres, la poésie est bel et bien devenue inadmissible
: "Da ta gorge il faudra arracher ce poème poreux comme une amygdale
qui t'étouffe"... C'est le moment de se rappeler une phrase de Ceux qui merdRent,
située à la fin de la section sur Denis Roche : "après le congé à
l'humanisme (l'inadmissibilité de la poésie), le refus de toute ligne de
fuite utopique ("je n'ai rien à dire que ma violente action d'écrire"),
[...] la littérature s'ouvre à la nudité insensée du monde et c'est à
la fois intenable et désespérément voluptueux" (P.O.L, 1991, p. 173).
/FT/
III- EXEMPLES DE FLORE
LANGUE-DE-BŒUF I
Mauve dessous ou brune
mauvaise d'être franche
et couturée cousue au tronc
blanche humide dessous
oreilles prêtes au discours
de l'arbre qui chemine
vers la déflagration
langue-de-bœuf
à l'œil de crabe
lippue tentant l'essor
mais de l'appartenance
durcie à mort
et par douleur d'être dessus
noire et fixée
brandie pour mordre
l'intolérable espace
qui blanchit
et passe
LANGUE-DE-BŒUF II
Le mufle sardonique
elle a le mufle des baleines
mais la queue où
dans la terre ou
au cœur de l'arbre
dont ploc ploc ploc goutte la
lymphe
dans sa béatitude au ras de
l'herbe épanouie
amphibie louche au ras de l'herbe
avec sa texture de phoque
son mufle de baleine
son blanc vidé
et cette lymphe qui blessé
l'arbre
suinte du ciel
elle flanque à quelle gueule
domestique
ses cinq doigts bruns palmés en
phoque
en une seule épanouie béatitude
apparemment onctueuse caressante
main
qui rit de peser l'air d'être
sur lui de le
scier
LANGUE-DE-BŒUF III
Crêpe fluide glissante
à manches longues et évasées
seins très légèrement
surbaissés
pour une meilleure visibilité
béate épanouie avec sa moue
tentant la pluie
crêpe flottante plate pleine
d'idées qui se déplient
jusqu'au cousu de la dentelle
LANGUE-DE-BŒUF IV
Crêpe fluide pleine d'idées
dont crispée la béatitude
serre les fanons de la dentelle
le poing cousu au tronc
brutal nu éclaté
dans une profusion de doigts
mais qui se palment
en noir de phoque et blanc vidé
tentant l'essor tentant l'averse
mais au poids d'air se résignant
d'être onctueuse sardonique
brandie pour mordre
l'intolérable espace
LANGUE-DE-BŒUF V
Ce poing calcul ovaire
caillou coincé qui gerce sous
l'écorce
oiseau mort séquestré
machin calciné
machin calcifié
gicle et éclate
vient faire face
mais ses cinq doigts qui frappent
tout aussitôt se palment
et s'apaisent en un rire d'ongles
découragé cynique sardonique
qui pèse à son poids juste
le vent doux
l'inexorable vent
IV- L'APRES-MIDI
Fascines de feu rouge
avec le lait noir au milieu
le chanvre douloureux
d'être trop bien tressé
la haute armoire comme des fesses
le chaud dans les pierres muré
tous les cinémas sont complets
ne pas se pencher au dehors
aisselles attisées dans les
heures dociles
choses très bonnes à manger
voici le doux après-midi
qui brise sa laine patiemment
— dehors sur le ciment mouillé
le désir s'accroupit
pour boire
OU MIEUX
Gorgeon ou mieux goujon
goulée peut-être sanglot
de sperme ou de terreau
où nous aurions
senti si fort passer
contre sang vif
les milliers de couleuvres
la cascade des chrysanthèmes
les leucocytes
eau délectable à émouvoir
dans le verre roux
coupé contre le ciel
plein mais froid
de loups précoces
en crimes et en fourrures
comme rire
ou mieux être
bien
ASSIS
La scierie, l'assis dans
l'odorante dorée sciure
y regarde loriots bardes
— l'oseille ose être treille
eau du merveilleusement bleu
acide ciel,
y songe
vents viendront, ruades
(une femme foutue, rouie, que
rouille un rêve, là)
et
la rubrique de la mort meilleure
recelée ras la poudre :
son poids parfait
parmi les poutres.
L'ETE FINISSANT
Des sacrés paquets de guêpes —
rappel : l'émulsion de chardons, orties, suint, ce juillet près des
cales, carcans pour les reins ruants — je guette la passe — tu
guettes l'atomisation de l'essaim — nous guettons — nous guettons
l'accroc satiné, la fraîche soie déchirée sur le sexe, le coin
des canards enfoncé — annonce des piquetis aux joues tendues, du
réveil rose-frêle — dans le guêpier bouillant, la masse obtuse
des nimbus. — (Je chasse — sourire — un chaud zézayant,
quatre ailes, sur ma tempe).
DERRIERE
Le sac à patates
l'irrespirable trou
la terreuse toile à trous
bourrée de terre
pousse dans le tas
j'y mets le nez
om les cloportes plats
tapent dans le tas
tas de morts
aux narines sans fond
vigueur — croûtes —
reliefs où bat le sang
la terre drue
peut-être
FEMME
La lavande des serviettes
qui sent ton cou
qu'elle te soit douce
femme croisée
sacrée rousse
voilà le mot lâché
femme croisée
sacrée trompette
et l'eau qui vêle
le ciel qui poivre
tout ça qui ronge
ça fait beau temps
quand tu déplies
tes sacrées hanches
et ça rutile...
DONC...
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